Jeudi, il a fallu remettre mes semelles de plomb pour aller
travailler.
Avec seulement deux à
trois heures de sommeil par nuit depuis quelques semaines, j’ai remarqué des
effets étranges : le sol tangue régulièrement et j’ai une nausée qui ne me
quitte pas. Je me met à avoir peur des escaliers (peur de tomber) peur de
traverser les carrefours (peur de me faire renverser par une voiture) et peur
des surfaces glissantes. Je me visualise tomber tout du long sur le trottoir et
ne plus me relever. Combien de temps se passera-t-il avant qu’un passant ne me
ramasse me disais-je ce matin en essuyant mes larmes tant bien que mal dans la
rue.
Toute la nuit, je refais des articles, je réfléchis quoi
répondre à Untel et je me demande ce que je dois faire dans telle problématique
de travail. A mes cotés, Y. dort paisiblement et j’ai des envies de meurtre au
petit matin, quand le réveil sonne et que je n’ai pas fermé l’œil.
Je suis peut être chanceuse, mais je découvre, a trente quatre ans, ce types d’insomnies,
celles qui se répètent d’une nuit sur l’autre, inlassablement, jusqu’à ce que
le corps s’épuise et retrouve à nouveau quelques heures de suite de sommeil.
Je pleure pour rien. Parce que je ne trouve pas ma deuxième
chaussette et qu’il est l’heure de partir, parce que j’ai peur de me faire
renverser et de laisser deux orphelines, parce que je m’énerve contre R. qui
comme d’habitude, à capté mon désarroi et répond par une agitation extrême,
comme pour me signaler qu’il y a un problème.
Je sais mon tout petit amour. J’ai compris, hier, j’ai
compris qu’il y avait un sacré problème.
Et qu’il était en train de m’éclater à la figure.
La situation s’est dégradée à vitesse grand V. Je ne suis
plus en mesure d’écrire, de décrocher mon téléphone, ni même d’envisager de
travailler en toute sérénité. Ce matin, épuisée par mon insomnie de 1h à 7h du
matin, j’ai éclaté en sanglots. Y. m’a enguirlandée, me demandant pour la
troisième fois de la semaine d’aller voir mon médecin.
Je ne voulais pas, mais je vais devoir le faire.
Je ne voulais pas, parce que j’avais peur qu’il m’arrête. J’avais
peur qu’il me donne des médicaments terribles et j’avais peur de devoir arrêter
d’allaiter mon bébé à cause de ces derniers. Et puis hier, au détour d’une interview avec
une psy qui me parle du burn-out, je réalise que les symptômes dont elle me parle
sont tout ceux que je vis.
Bien sûr, la charge de travail n’a rien à voir avec ce que
je traverse, car j’ai déjà, par le passé, absorbé des charges de travail bien
plus grandes. Non, la difficulté, c’est mon positionnement, mon idéalisation
débile et démesurée du job demandé, comme s’il fallait à tout prix être plus royaliste que
le roi dans ce métier là. Qui peut oser tout connaître d’une problématique ou d’une
thématique en prenant un poste un mois plus tôt ? Quelle prétentieuse ou
idiote suis-je pour me mettre une telle pression qui m’empêche ensuite de faire
la base de mon métier, c'est-à-dire écrire, produire, organiser ses idées ?
J’ai pris rendez vous chez le médecin lundi.
Et aujourd’hui, je suis allée travailler. Je n’ai pas
produit grand-chose, mais je sais que ce n’est pas rien, et que ces pas de
fourmis sont nécessaires pour ne pas dévisser totalement et prendre la poudre d’escampette
ou me volatiliser en l’air.
Je suis prête à tout essayer, tout entendre, du moment que ma doctoresse
me donnera de quoi retrouver le sommeil. Tant pis pour mes scrupules, tant pis
pour l’allaitement, je sens que cet acte est de l’ordre de la survie plus que
du confort.
Putain.
Après la dépression, le harcèlement, après avoir surmonté
tout cela… Putain, je me retrouve à faire une sorte de burn-out juste après ma
promotion. Mais y’a quoi dans ma tête ? Ou est la malfaçon dans cette
machine toute pourrie qui me sert de cervelle ?
Faut vraiment être une petite nature de merde quand même
pour frôler l’explosion..... sans AUCUNE autre pression, que celle venant de l’intérieur
de soi-même !