Après les trois jours

Le lundi matin est porteur.
Je passe une petite heure à lire mes mails.
Certains sont pressés et pressants. D’autres des petits coucous des gens que j’ai rencontrés au congrès. Quel bonheur que ces trois jours de congrès !
Pendant trois jours, entendre les mots de journalistes, journalisme, droits des pigistes. Pendant trois jours, parler avec des gens passionnants, qui ont l’air de réfléchir sur leur métier. J'ai fait mes classes aurpès d'Akynou et des autres, qui ont l'habitude des luttes. Pendant trois jours, je suis restée dans la grande maison squattée de ma petite sœur. J’ai dormis dans des draps pas toujours propres, j’ai du subir les assauts répétés d’un chaton de deux mois, léger comme une feuille, qui m’a attaqué et m’a ronronné dans l’oreille trois nuits durant. J’ai écouté des gens parler du prolétariat en buvant de la mauvaise bière, j’ai vu des travellers débarquer en pleine nuit pour dormir dans le sleeping, j’ai vu les étudiants laborantins venir faire de grande banderoles dans le squat pour "Sauvons la recherche".



J’ai écouté des gens de la CNT débattre alors que je rentrais de mes propres journées de congrès. J’ai mangé des plats végétariens délicieux, cannellonis fourrés, et tarte aux poireaux fondants. J’ai parlé avec ma petite sœur jusque tard dans la nuit, sur ses rêves et ses difficultés à elle. J’ai vu des jeunes garçons se lever à 4 heures du matin, pour monter sur les piquets de grèves aux coté des cheminots qui font les trois 8, le jeudi matin.



J’ai enfin, vécu le congrès du syndicat de journalisme avec une intense attention. J'étais heureuse dans la manif de jeudi. heureuse d'être derrière une bannière, moi qui suis toujours l'électron libre des manifestations....Le congrès m'a amené à me poser beaucoup de questions, sur ce que je fais, pourquoi je le fais, mais sans avoir de vrais "rêves".
Une syndicaliste, alors qu’on rentrait en métro, à une heure indue, m’a demandé « C’est quoi ton rêve ultime ? La publication pour laquelle tu rêves de bosser ? »J’ai du lui avouer que je n’en avais pas.
Je ne veux que réussir à manger tous les jours.
Parce que pour rêver, il faut avoir de la liberté.
Il ne faut pas être dans l’urgence de payer au compte-goutte la vie de tous les jours.
Mais je reconnais que cette question mérite réflexion.
Dans le train du retour, dimanche soir, je me suis efforcée de ne pas lire et de ne pas m’endormir, alors que je tombais de sommeil. Pour réfléchir. Pour s’ennuyer. Se dégager une plage de réflexion, dans la course du jour… Et j’ai pu avancer un peu sur la question. Savoir ce que je veux faire… un peu… j’ai des idées… j’ai quelques envies, alors que pendant ma dépression, je n’avais ni envies, ni désirs… ni idées même…

Le samedi, je suis passée chez mes beaux-parents. Je suis restée quelques heures à discuter avec eux, et ils m’ont donné des noix fraîches à faire sécher un peu pour les manger pendant cet automne. Puis je suis allée chez mes parents. Dans la lumière d’or du soir, je me suis réchauffée à la grande flambée de la cheminée. J’ai bu du rosé avec mon père, plaisanté avec mes petites sœurs, joué à me faire peur avec mes sentiments ambivalents que je ressens pour mes parents. On a parlé jusqu’au soir tard, en buvant de la tisane, en mangeant des morceaux de nougat. Puis je me suis endormie dans un sommeil lourd, comme une petite fille. J’ai rêvé que je me cassais une jambe et que je devais rester chez eux. Que j’abandonnais mon métier de journaliste pigiste pour redevenir un bébé, materné.
Au matin, je goute les confitures qu’ils ont fabriqué cette semaine dans leur maison de pierre dans les Cévennes :
Châtaignes, délicieuse, et « Pommes-thym », un autre délice. Je vais cueillir de la verveine et du thym, je récupère des kilos de châtaignes. Je demande à ma mère de m’aider à faire un ourlet, pour mon pantalon acheté il y a quelques mois.
Ma mère me fait monter sur une chaise. J’entends ma petite sœur qui explique à la plus petite le modèle hégélien de la société et moi, je suis debout sur ma chaise, pedant que ma mère pique des fines aiguilles dans mon pantalon. Et ses légers effleurements pendant qu’elle prend mes mesures me font fondre d’amour. Je voudrais tant redevenir petite et que ma mère s’occupe de moi. Elle qui est si peu maternelle, qui est toujours un peu sur la défensive…
Mais il faut bien grandir, hélàs. Je descends de ma chaise et la serre dans mes bras pour la remercier de ce qu’elle fait.

Dimanche doux, je vais ensuite chez ma meilleure copine et son fils, mon filleul. Avec lui on fait des blagues tout l’après-midi, on joue au tennis en double sur la WII, on regarde les photos de quand il était bébé, on se couche sur son lit pour inventer des histoires, on mange du gâteau à la poire.Son enfant de presque 8 ans, qu'elle a élevé seule, et élevé si bien, qu'il pousse droit, un enfant drôle, fin, respectueux des adultes, un peu rêveur, un peu coquin....

Je rentre heureuse, regonflée par ces jours dépaysants. Entre les luttes à venir et le boulot à faire, je me sens confiante et heureuse.




Commentaires

1. Le mardi, 23 octobre 2007, 16:49 par Akynou

:-)
joli billet :-)

2. Le mardi, 23 octobre 2007, 23:00 par Oxygène

Billet joli et délicat. C'est un vrai plaisir de te suivre ainsi.

3. Le mercredi, 24 octobre 2007, 10:01 par luciole

Un plein de tendresse toujours bon à prendre :-)

4. Le mercredi, 24 octobre 2007, 10:49 par captaine Lili

c'est drôle, j'aurais dit que la liberté, c'est de pouvoir rêver... quand on est dans la bataille chaque jour, s'il ne reste plus les rêves... je t'en souhaite un grand et magnifique qui t'entraîne dans son sillage !

5. Le mercredi, 24 octobre 2007, 17:43 par Marloute

Hum-hum...
Merci toutes...

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1. Le mardi, 23 octobre 2007, 16:50 par Racontars

Sacrée biennale 1

Bref, En ce jeudi soir, nous sommes donc invités, par le conseil régional Rhônes Alpes, à la Biennale d'art contemporain. Le carton annonce : visite de l'exposition et buffet dînatoire. Alléchant ! Un bus vient nous chercher, prévu pour 180 personnes...