Je suis peintre

Je suis peintre.

C’est ma profession, je suis peintre. Quand je peints un tableau, j’ai besoin d’un modèle. Je me renseigne sur qui veut poser pour moi. Si une personne accepte, elle se déshabille. Des fois partiellement, des fois entièrement. Moi, je la peints. Avant de la faire poser, je sais déjà un petit peu ce que je veux faire. Je sais déjà comment je veux peindre, quelle couleur je veux utiliser, l’atmosphère que je veux rendre.
Et pendant que mon modèle pose, je modifie parfois ma vision. En fonction de comment la lumière évolue sur son corps, et comment je me sens. Le modèle a le droit de voir le tableau, une fois qu’il est fini, car je n’aime pas montrer mes peintures en cours.
Souvent, les modèles ne se reconnaissent pas. Ils trouvent que je les aient peint trop gros, ou trop vert. Certaines disent qu’ils ne poseront plus pour moi. Je suis triste de les avoir peinés, mais mon tableau est beau aussi parce que c’est ma vision d’eux.
Sauf que,
depuis quelques temps, les choses ont changé.
Les modèles se lèvent pendant la pose. Ils attrapent un pinceau, le trempent dans la peinture, et peignent sur ma toile. Ils ne savent pas peindre, ils n’ont pas suivi de cours de peinture, mais ils veulent le faire. Et si j’ai plusieurs modèles, ils veulent tous peindre sur ma toile. A la fin, mon tableau ne ressemble à rien, avec toutes ces couleurs criardes, et ces traits grossiers.
Et moi, je ne sais plus quoi faire de ces tableaux.

Je suis peintre, c’est ma profession. Mais je pourrais aussi être journaliste. Et les modèles sont les témoins de mes reportages, les élus, les dirigeants, les associations, les citoyens que j’interroge. Ils interfèrent dans mes articles et veulent tous relire et souvent modifier.
Souvent, ils sont pourris par le militantisme et la communication, pourris par les médias de merde, qui leur font croire que la parole est à eux. Que le citoyen ne doit pas proposer mais imposer sa vision du monde aux médias.


Je ne suis pas peintre, je suis journaliste.
Pour éviter les dérives du journalisme, laissons les professionnels de l’écrit travailler, et que chacun reste à sa place.

Commentaires

1. Le jeudi, 25 janvier 2007, 18:39 par Leeloolene

Quel beau et intelligent parallèle !!
Je soupçonne ton agacement du moment... Toutes mes pensées.

2. Le jeudi, 25 janvier 2007, 19:34 par Marloute

Oh, Leeloo, j'en suis malade de tout ça.
Ca ne termine jamais on dirait...
Pfff, pas vraiment envie de bosser résultat, depuis qq jours....
je traine sur le net, me demande ce que je pourrais faire, au lieu de travailler....
Et j'en ai du boulot, j'en ai : préparer la réunion de rédaction de demain, terminer la relecture de mon livre, bref. C'est pas fini, c'est pas fini, mais il est 19heure,s je dois m'y mettre au moins une heure!
Des bises
STL

3. Le dimanche, 28 janvier 2007, 19:08 par sou

Le chemin de captainlili m'a ouvert ta voie...
Ton regard est autre...

Merci pour ces mots
et tendre pensée