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mardi, 5 octobre 2010

Deux jours

Enchaîné deux jours étranges : un dimanche doux commencé par un brunch dans le 15ème avec des anciens camarades de la promo strasbourgeoise d’Y.

Ils travaillent au Mouv’, RFI, au Figaro.

On échange sur nos médias respectifs tout en dégustant des toasts au bacon et en s’extasiant de l’emplacement de cet appartement : un 7ème étage qui donne sur une forêt de toits de zinc mansardé. Le lieu me fait penser au nid parisien de Leeloolène. Je soupire un peu en pensant à notre nouvel appartement, son rez-de-chaussée, sa déco rétro et ses nombreux travaux. Et si je ne l’aimais pas ? Si je ne me faisais pas à cette vie là-bas ?

Ensuite, j’ai pris le métro, remonté toute la ligne 12 pour me rendre chez M. dans le 18ème. Là, m’ont rejoint une crew de copines, femmes, mères. Ensemble, nous avons accompli un blessingway digne de ce nom, entrecoupé de nombreux fous-rires qui n’auraient peut-être pas plu aux adeptes américaines de ce rituel indien. J’avais besoin de ce moment à part d’échange avec des personnes bienveillantes.

Revenue à l’appartement, je ne suis pas allée à la soirée de lancement de mon magazine ami, parce que toutes ces émotions m’avaient vidées.

Couchée à 21h30, j’ai du m’endormir 10 minutes après.

Le lendemain, je me suis levée tôt, après une nuit entrecoupée – situation banale en cette fin de grossesse. J’avais une grande mission. Récupérer ma petite sœur qui sortait d’un Eurostar après 10 mois à faire le tour de l’Australie.

Arrivée bien trop tôt, j’ai pu lire la presse concurrente : Famili, 9 mois et poireauter 20 minutes, le temps qu'une centaine de passagers s’extraient du train franco-britannique. J’ai vu passer un DJ un peu perdu, des femmes bien habillées, des financiers de la City, mais pas de petite sœur.

Panique.

Je parcoure la gare.

Monte et descend les escaliers.

Interroge le personnel.

Évidemment, L. n’a pas de portable, je ne sais même pas si elle a vraiment réussi à aller à Londres. Peut-être est-elle toujours à Kuala Lumpur... mais enfermée dans une geôle, ou pire, droguée dans un bordel. Mon imagination s’emballe.  

Je décide d’attendre une heure de plus, des fois qu’elle aurait juste raté son train.

Bien m’en a pris : elle était dans le suivant.

Nous nous sommes tombées dans les bras, en larmes.

Puis je l’ai ramenée chez moi.

Et j’avoue que sur la suite, je ne suis pas fière de moi : après l’avoir écouté me parler de son trip, j’ai joué le rôle que j’ai toujours eu auprès d’elle : la maman terrible. Je l’interroge sur ses ambitions, ce qu’elle veut faire plus tard. Je pense que j’espérais qu’elle revienne moins ado, plus adulte, et je récupère une punk à chien de 21 ans– si-si crâne rasé d’un côté, crête d’iroquois et grande dread sur le devant- plus gamine que jamais. Elle ne veut pas qu’on lui « prenne la tête avec ça » ne veut pas « être coincée dans un métier » se voit bien « faire le tour de France avec son chien cette année et jongler pour arriver à manger ».

Je sais qu’elle en rajoute pour me faire sortir de mes gonds.

Je sais que je devrais me montrer solidaire de cette petite sœur qui, si elle ne sait toujours pas quoi faire depuis qu’elle est sortie du lycée (trois ans déjà !) ne reste pas forcément inactive et enchaîne des petits boulots souvent ingrats et sous payés. Je la trouve courageuse dans le fond et je l’aime, bien évidemment.

Mais au lieu de me calmer, de l’écouter, j’enchaîne les remarques ironiques, la blesse.

Elle me tacle, hargneuse.

Au bout d’un moment, je n’ai qu’une envie : m’enfuir ou la passer par la fenêtre.

Heureusement, nous partons rejoindre mon père, arrivé de Lyon, qui nous attend dans le nouvel appartement. A eux deux, il vont décoller les moches papiers peints.

Ce qui est infiniment gentil de leur part à tous deux.

Le soir, ils viennent manger à la maison.

Je prépare des lasagnes, fuit la conversation.

Quand ils sont partis, je parle avec Y. qui a finit par rentrer.

Je pleurniche devant mon comportement de mère hystérique, m’inquiète de ce que je pourrais faire subir à ma propre fille si je fais déjà ça avec ma sœur, et ne sais pas comment assumer la journée de demain, où L. sera sûrement encore plus sur la défensive maintenant qu’elle sait que je n’ai pas changé en une année.

Cette nuit, je réfléchis encore.

A notre relation, ma peur constante pour elle, son avenir, ses amis, ses passe-temps.

Y. est plus mesuré : il m’explique qu’elle n’a pas «rien fait » pendant un an : elle a visité un continent, a vécu de petits boulots -et de mendicité certes-, mais que cette expérience, loin de toute contrainte, peu de jeunes s’autorisent à la vivre. Que c’est normal d’avoir peur d’une vie « dans les clous » quand on n’a pas trouvé sa voie.

Je repense à ses mots et j’essaye de ne plus m’en faire.

D’envisager la journée de demain sous de meilleurs hospices, en m’excusant par exemple.

Mais je dois dire que je ne suis vraiment, vraiment pas fière de moi !

Pourquoi est ce qu'on fait ainsi du mal aux gens qu'on aime?