Les montagnes

Dehors, l’orage se déchaine. Il a tonné une partie de la nuit, et pourtant, j’ai eu plus chaud que certaines nuits de canicule. Ce matin, sous la pluie battante, la fraicheur est enfin en train de revenir. J’espère qu’il ne va pas pleuvoir comme cela toute la matinée. Sinon, je me demande si des mamans viendront au café que j’organise. Tous les lundis matins, depuis un peu plus d'un an, je propose à jeunes mères et des jeunes pères de se retrouver pour discuter. L’orage s’est rapproché : à chaque éclair, il suffit de moins de 4 secondes pour que le tonnerre gronde. Quand je vois la puissance du tonnerre, je me dis qu’il ne faudrait pas qu’il s’approche encore. Quelle trouille devait avoir les hommes de la préhistoire face aux orages ! Moi-même, j’en ai encore peur. Je me souviens d’une nuit, dans la jungle, au Nigeria, ou un terrible orage a éclaté. Je n’avais pas ma lampe de poche et je me guidais aux éclairs pour rejoindre ma petite tente. A chaque éclair, j’avançais de 5 ou 6 pas, et j’attendais l’éclair suivant pour continuer. Une fois rentrée sous la tente, trempée, je me souviens que je comptais les secondes entre les éclairs et le tonnerre. Je tremblais qu’un arbre ne me tombe sur la tête. Deux fois dans la nuit, de très gros et très gros arbres sont tombés. Assez loin de ma tente, mais assez près pour faire trembler le sol jusqu’à me réveiller. Le lendemain, je suis allée observer ces mastodontes (je n’en ai retrouvé qu’un). Toute une faune et une flore déracinée se trouvait sur le sol. J’ai pu faire des observations inédites. Et j’étais tellement heureuse d’être en vie !

 

Ici, la situation s’est profondément apaisée. J’ai emmené ma fille ainée avec moi en week-end là-bas. Laissant les deux plus petites à leur père. J’ai du prendre avec moi mon tire-lait, car A. tète encore de bon cœur, matin et soir, et parfois en journée quand je suis disponible. Ensemble, nous avons beaucoup ri, beaucoup joué, beaucoup partagé. Lors des ateliers et des conférences, j’ai pu pleurer, dire ma colère, parler de mes envies. J’ai fait de belles rencontres, et cela m’a ouvert l’esprit sur de nombreuses choses. Bref, c’était un plaisir et je suis revenue boostée. Désormais, à chaque fois que je sens une émotion forte monter, je la décortique et je l’accepte, au lieu de me laisser complètement débordée par elle. Cela m’amène à des découvertes étonnantes : je peux ressentir une anxiété démesurée pendant un repas ou une discussion anodine avec les enfants. Ou une colère immense quand les enfants tournent autour de la table au lieu de manger. Un des formateur appelait cela des "élastiques". Ce sont des émotions refoulées, venues de l’enfance, qui viennent perturber notre quotidien et nous pollue. En en prenant conscience, on les fait baisser d’intensité. Ce week-end nous a soudé plus que jamais. Je dois encore me coucher très tôt tous les soirs, à cause de ma très grande fatigue, dont je n’ai pas l’explication. Et je me lève très tôt, expérimentant le "miracle morning", qui me fait un bien fou. J’ai l’impression de retrouver un temps pour moi immense. J’imagine ce que je serais capable de faire si en plus j’étais en bonne forme. En me levant si tôt je renverserais des montagnes !