Le retour chez moi

Je retrouve avec un plaisir non dissimulé mon appartement, mon chat, mon clavier d’ordinateur, mon mug d’infusion fumante et mon CD de Portishead.

Malgré mon intense plaisir à rentrer, je dois l'avouer, ces quelques jours dans nos familles étaient plus agréables que d’habitude. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut être que je prends du recul sur les choses, les gens, les propos des uns et des autres. J’ai décidé, comme je me l’étais promis cet été en visitant Leeloolène, de prendre du temps avec les miens. J’ai aimé les longues discussions tardives avec les parents de Y., les voir jouer et rire avec ma grande R. et ma petite L. et regarder avec eux des photos de Y. bébé. Tous les 5 ensemble, faire des parties de Mistigri. J’ai aimé voir ma mère faire de la cuisine avec ma petite fille et mon père inventer des purées inédites (cardons/roux blanc/carottes) pour ma plus petite. J’ai aimé les heures avec mes soeurs, à rire de choses bêtes et à nous souvenir de choses de notre enfance. Et boire des infusions, et regarder R. enchaîner les parties de Shanghai, blottie sur les genoux de mon père, qu’elle épatait par sa rapidité. Les quatre grands parents ont déjà prévu, s’étant concertés d’avance, comme l’année dernière, de kidnapper à nouveau ma petite fille pour l’emmener à la montagne en février prochain. Cette perspective m’inquiète toujours un peu, je n’aime pas la savoir loin de moi,  mais je sais qu’elle sera très heureuse et eux aussi, alors j’ai à nouveau dit oui. J’ai aimé prendre la voiture sur un coup de tête, aller passer une heure avec ma grand-mère, qui était ravie de cette visite surprise, elle qui passait le Noël dans l’autre partie de la famille et ne pensait pas me voir.

Je n’ai pas aimé entendre les réflexions des uns et des autres sur la façon dont ma petite fille est élevée, je n’ai pas aimé les disputes incessantes entre mes parents. Je n’ai pas aimé la gastro carabinée qui nous a terrassées, mes sœurs, ma mère et moi, alors que la vingtaine d’invités de mes oncles et tantes s’empiffraient du « meilleure repas de Noël depuis des années ! »). Je n’ai pas aimé la débauche de cadeaux certains du plus mauvais goût que les autres, alors qu’un seul cadeau bien choisi aurait sans doute eu plus de prix. Dieu merci, personne n’a parlé de Marine et la journée s’est relativement bien passée. Je n’ai pas aimé les brusqueries de mon père et la façon dont il s’adresse à ma plus jeune sœur, elle qui travaille à ses côtés depuis tant d’années. J’ai peur qu’avec le temps, ses remarques ne la blessent plus profondément qu’elle ne veuille bien l’admettre. Je voudrais qu’un jour, elle le prenne au mot et l’envoie au diable, pour qu’il réalise la portée de ses propos. Je voudrais surtout qu’ils aient des rapports pacifiés pour ne plus assister à leurs luttes intestines, aussi vaches que blessantes. Je n’ai pas aimé retrouve le bazar habituel de la maison des mes parents, cette maison qui pourrait être si accueillante et qui ne l’est pas, pour trop de raisons. Et la toiture qui fuient et les murs qui prennent l’eau, et les papiers peins qui s’en vont et le froid qui s’insinue partout.

Chez moi, chez moi, chez moi, enfin !

Après des heures de train, de voiture, de RER, avec nos bagages chargés dans le Ouigo et nos deux enfants qui toussent et un homme un peu grippé, mais rentrer, rentrer enfin tous les 4, enfin rentrer chez nous, et là, oui là, même si tout reste à faire, là, j’ai pu enfin souffler.

Rentrer dans mon appartement, trop froid à cause du chauffage coupé, mais qui retrouve peu à peu sa chaleur habituelle. Retrouver le beau sapin qui n’a pas bougé, pas une aiguille par terre, grâce au voisin qui est venu gentiment l’arroser tout en donnant à manger au chat.

Je suis revenue heureuse de rentrer avec mes deux enfants et mon compagnon, mais surtout je suis rentrée avec des envies, des idées, des devoirs (des lessives, des courses, des choses à faire) mais aussi des choses à rêver, des plaisirs, des désirs à assouvir et ce retour m’a regonflé.

Oui, quelque chose s’est passé, ce sont les autres ou moi, mais je reviens heureuse.