La première journée d'avril

Leeloolène vient de partir.

D’elle, ne reste que deux mugs de thé, une théière à moitié remplie, les jeux de constructions faits avec R. tandis qu’on essayaient de parler. J’avais redouté cette journée, que j’imaginais fatigante, celle où Y. allait partir, son sac sur le dos, pour un voyage d’une semaine et où je n’aurais le temps de rien. Au lieu de cela, surprise, ma copine L. et Leeloolène, l’amie de toujours, chez moi toutes les deux. Journées papotages, on mange des lentilles, on déguste la salade de fruit, on se refait du thé et du café, pendant que le soleil éclaire l’appartement.

Quelle belle journée d’avril !

Balade aux puces, R. ne veut plus marcher. Elle joue, crie, court, sur ses petites jambes courtes, et moi je réfléchis encore à ce que je mettrais comme chaises à la place de mes assises en paille qui font mal au derrière. Je suis heureuse parce que la bibliothèque plait à mes amies, comme elle nous plait à nous. Enfin, enfin, avoir nos livres à portée de main, pour de longues lectures sur le grand canapé….

Le soir, R., ma grande petite fille, me serre dans ses bras, pour de touchantes déclarations d’amour : « Ah t’ême maman, T’ême fortfort ». Moi aussi, moi aussi mon enfant je t’aime. Je le savais, mais je ne l’avais pas bien réalisé. Il m’a fallu être seule au milieu du désert, seule sur le sable, en pleine méditation, pour le comprendre.

Un soir, quand j’ai eu fait le vide en moi, son image s’est imposée, et j’ai été remplie d’un immense élan d’amour, presque douloureux tant la distance était grande entre nous, des milliers de kilomètres, des montages, une mer et plusieurs déserts, pour la première fois de ma vie.

J’ai senti sans pouvoir l’arrêter une émotion comme une lame de fond, me soulever. Les larmes roulaient sur mes joues et je pleurais de bonheur, de comprendre la force de ce lien unique qui nous unissait. Moi qui me plaint toujours de ne pas avoir de temps pour moi, d’avoir l’impression d’être comme une coquille vide à force de ne faire que travailler, rentrer en courant, donner le bain, faire à manger et m’écrouler devant un DVD, j’ai compris, seule et effrayée comme je l’étais, que l’amour qui me liait à elle était la chose la plus précieuse jamais ressentie. Bien sûr, je râle, je peste, je m’énerve, pour un verre cassé ou du caca badigeonné sur des draps que je viens de laver, mais cet amour, ce lien si pur, je ne peux pas le nier.

Ce soir, je dois penser à nos futures vacances. Je dois réserver des billets de train, je dois faire de l’administratif, je dois me coucher tôt.

Cette semaine, interdit de rigoler, je suis seule pour tout assumer !

 

 

 

Commentaires

1. Le mardi, 2 avril 2013, 06:35 par Valérie de Haute Savoie

ouh là là mais tu viens de me donner un coup de ouf ! Ta première phrase, suivie de la seconde pleine de sous-entendus, pfffff j'ai cru qu'elle était partie mais partie morte. J'en ai encore mal au ventre.
Bon le reste m'a heureusement rassurée, et j'imagine ta R chérie qui fait de si belles déclarations.

2. Le mardi, 2 avril 2013, 19:15 par Leeloolène

Oh lalalalala !
Ton commentaire Valérie m'a fait rire... puis angoissée ! Car effectivement j'ai relu les premiers mots du billet et on dirait vraiment un hommage posthume. Drôle de sensation.

Quand j'avais lu le billet pour la première fois hier pendant mon trajet retour je m'étais plutôt fait la réflexion "pfiouuu j'ai laissé un de ces bordels derrière moi en partant de chez Marloute" !

En tout cas, plein de courage pour ta semaine seule avec R.

3. Le mardi, 2 avril 2013, 21:33 par Marloute

@Valérie et Leeloolène : oui oui, je confirme, à la relecture, ça fait très post mortem, mais non, elle est juste partie de chez moi et j'étais en plein cafardage en mode je suis toute seule comment vais-je m'en sortir?
Ce soir ça va mieux!
Et Leeloolène est toujours parmi nous ouf!