Regarder ailleurs

 

 

Je mange : des gratins dauphinois,des andouillettes, des coquilles Saint-Jacques, des cailles grillées, des chanterelles au beurre et à l'ail, du pâté de foie, je bois du vin

blanc, et je ris avec mes amis, je sors, je vais au cinéma, voir des concerts, boire des bières, je lis beaucoup de romans que je prends à la bibliothèque, même s’ils ne sont pas très bien écrits, ce n’est pas grave, cela satisfait ma boulimie de lecture. Je regarde des films avec Y. ou seule, souvent des documentaires, ou une comédie quand vraiment on ne veut pas savoir comment va le monde.

 

C’est bizarre…

cette manière que j’ai de détourner les yeux alors que je sais que cela

va mal, que le monde va mal, et que je devrais m’engager pour faire en sorte que les choses aillent mieux.

 

Je me dis que je devrais faire quelque chose, et ma flemme ou ma peur me rattrapent : c’est trop difficile, la tâche est trop grande. Cela me fait penser à la parabole de Saint Augustin dont ma grand-mère m'a parlé cette semaine au téléphone. Il voit un enfant qui veut vider la mer avec une coquille. La raison ne peut pas englober le mystère insondable de Dieu. Il est inutile de chercher un sens à ce qui est trop grand pour nous.

 

Mais moi, j’ai plutôt le sentiment de jouer à cache-cache. Je sais quelque chose et je me dérobe à mes responsabilités.

 

«Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera».

 

Je crois que c’est une parole de l’Evangile juste avant le déluge. Je crois que cela me touche, parce que j’ai l’impression que ma vie manque de sens, je ne vis que pour les biens matériels, et je donne peu, et je garde le maximum pour moi, et je sens bien qu’il n’est pas bon de vivre ainsi.

 

 

Il faudrait se perdre, faire confiance, donner enfin.

 

Mais j’ai du mal. C'est difficile de renoncer à la jouissance. Surtout cette jouissance sans but, comme une drogue, si douce quand on y pense.

 

Un jour, un jour peut-être.