L'amie comme ça

Il faut imaginer une amie comme ça.

Quelqu’un capable de débarquer chez moi, alors qu’elle pourrait être tranquille chez elle, préparer ses travaux qui vont enfin commencer…juste parce que je lui ai demandé, parce que je me sens seule.

Une amie qui vient alors qu’elle a mal au ventre depuis deux mois, sans savoir ce qu’elle a. Une amie qui m’écoute et que j’écoute, en mangeant des petits pois carottes tout juste écossés, quelqu’un avec qui on échange longuement, en buvant de l’infusion à petites gorgées, sur le grand canapé. Le samedi, elle a tout juste la force de marcher, tant les crampes sont fortes, mais je l’emmène quand même dans mon sillage. On parcoure la ville et je lui montre les maisons, les endroits que j’aime, comme la bibliothèque, où on prend notre temps. Je suis heureuse d’emmener cette amie dans ma ville, cette ville de la petite couronne, où nous sommes maintenant depuis un an, si proche de Paris, et qui pourtant n’est pas notre chère capitale. Ici, la chatte a le droit de s’échapper par la fenêtre, de grimper aux arbres et de disparaître au loin, de jardins en jardins. La Belle ne revient pas de la nuit, affrontant la pluie et l’orage au dehors, ne rentre qu’au matin, le poil emmêlé, de la mousse collée sous les pattes, et quand j’enfouis mon nez dans son pelage, une odeur de terre et de vent mêlée.

Avec l’amie, je me sens tous les courages, même celui de décaper les poutres que vient de m’apporter S. notre voisin. C’est un cadeau d’un chantier sur lequel il travaille. Deux petites poutres du 15ème siècle, qui feront si joli dans la salle à manger, si on sait bien sûr les marier au bout du bar où elles seront parfaites. Alors, j’enlève les vieux clous, je frotte et je nettoie au savon noir les poutres aux centaines d’années de poussière collée. Et ce qui apparaît sous la crasse me ravit. Elles sont telles que j’imaginais, quand je pensais à mon appartement, un jour. Je me disais souvent : ce serait bien d’avoir une poutre, une seule belle poutre ancienne, ça donnerait de l’âme. Et voilà que S. toque à ma porte vendredi, me faisant juste signe de le suivre pour aller les chercher.

A travers les yeux de l’amie, je ne vois plus l’appartement de la même façon. Je le vois comme un espace de création, un lieu que je peux investir, même si je me perds souvent en le regardant, tant il y a à faire encore. Mais son regard me rassure. Non, il est très beau, très lumineux, il aura vraiment du cachet quand tout sera fini. Alors je pense à tout ce qu’on peut encore faire de beau là-dedans et cela me permet de respirer un peu.

Et l’amie prend la petite pour la faire jouer au parc à coté. Elle la promène dans les Puces. L’amie goûte mes escalopes panées, et insiste pour qu’on ouvre le Bordeaux, et s’en mord les doigts après, car son mal de ventre a repris. L’amie me compliment pour les blettes au fromage, puis l’amie pique un fou rire parce que je parle sérieusement, avec un bout de salade entre les dents, comme Romain Bouteille, dans ce film qui fait tant rire mes parents.

Cet après-midi, l’amie a même installé les petites poignées des portes du placard de la salle de bain. Une action de dix minutes, qui traînait pour nous depuis plusieurs mois. Elle m’a donné de précieux conseils d’aménagement.

Ce soir, je suis fatiguée d’avoir trop frotté mais je mettrais une photo dans quelques semaine,s quand ces poutres seront installées.

Et je ferais une petite danse de la joie.

Et je me dirais, quelle chance, j’ai, quelle chance j’ai, d’avoir une amie comme ça !

Commentaires

1. Le lundi, 18 juin 2012, 07:13 par Valérie de haute Savoie

Oui mets une photo pour que l'on voit ces poutres qui ont traversé les âges.

2. Le lundi, 18 juin 2012, 18:59 par Leeloolène

Ouh lalalalalalala !!! Tu me tires une larme là. Qu'il est beau ton billet... Merci merci merci. C'est tellement touchant.

Pour rebondir sur l'une de nos nombreuses discussions de ce week end c'est donc ça le pouvoir de l'amitié... être capable de récupérer de l'énergie dans les deux sens. Car si tu savais ô combien ce week end m'a aussi fait du bien et m'a redonné du peps et de la force !

Merci pour ces si beaux mots. Mon billet sur les 'copines' va paraître tout fade après ça !!! :)