Si calme

Dans la maison tranquille j’aère en grand.

Y. est parti avec la petite, moi je dois aller faire un reportage en grande banlieue. Il me faudra presque deux heures de transport pour rejoindre mon interviewée. Qu’importe, j’ai le temps. Mes articles ont été rendus, il m’en reste quelques uns à finir, mais pas tant que ça. Je suis contente, j’avance bien, vraiment bien.

Dans la maison silencieuse, je me fais un café. Je range deux ou trois petites affaires, je fais le lit, je plie du linge sec. Je me dis que c’est bon de prendre un peu de temps comme ça, du temps pour soi, du temps volé.

Dans la maison calme, je laisse le chat sortir dans le petit jardin. Elle folâtre dans la tempête, se joue de la pluie, escalade un arbre, mange une jeune pousse. Je vois son poil d’hiver voler en gros flocons, il faut vraiment que je la brosse pour l’aider à le faire partir.

Ce matin, je veux juste terminer une lettre à ma grand-mère, appeler mon oncle. Vérifier mes comptes. Depuis janvier, nous nous sommes remis à faire des économies. Il aura fallu du temps, après le congé parental, pour arrêter d’être toujours dans le rouge. Mais là, enfin, depuis quelques mois, on souffle. Nos deux salaires à pleins temps, malgré les frais de garde, nous permettent de faire à nouveau des projets.

D’ici une quinzaine de jours, Y. partira pour Cannes, pendant 15 longs jours. D’ici là, heureusement, nous avons prévu de nombreux dîners avec des amis, quelques jours de repos ensemble (miracle !) et des sorties en amoureux. Je devrais prendre un grand bol de lui avant de vivre en apnée cette quinzaine cannoise. Je sais qu’il est ravi, alors je ne montre pas trop ma peine, mais je ne sais pas comment je m’occuperais de tout toute seule. Le mois de mai est un de nos plus gros mois de travail. Il faudra faire face et je ne sais pas comment.

Dans la maison sereine, je réfléchis à tout cela, à ce printemps de pluie, à mon bonheur si calme, à cette vie-là, ma vie.