Les ongles rouges

Je regarde mes ongles impeccablement rouges.

De ce rouge que j’aime, puissant, profond comme du sang juste caillé. Pour une fois, j’ai eu tout l’après-midi pour les vernir. J’avais laissé notre bel enfant à Y. pour rejoindre mes copines.

A 8 filles chez E., dans son bel haussmannien, nous avions fait venir deux masseurs hommes pour s’occuper de nous toutes à tour de rôles, pour fêter dans la bonne humeur les trente deux ans d’Au.

Elle croyait venir à une partie de poker et a eu la bonne surprise de nous trouver toutes là, en cet après-midi maussades, autour de montagnes de gâteaux, de chouquettes, de pâtisseries arabes. Tout l’après-midi, papoter des unes et des autres, il y a celles qui vont à Cannes, celles qui déménagent, celles qui emménagent, celles qui draguent et celles qui désespèrent de trouver le temps de dormir entre un boulot trop prenant et des week-end trop courts. Éclairées par de petites bougies, on pouffe en buvant trop de thé, on se vernit les ongles les unes les autres, tandis que deux par deux, nous nous relayons pour les massages.

Quand vient mon tour, j’ai envie de pleurer de bonheur. Mon dos surtout me faisait souffrir, tirant à force de rester des heures devant l’écran. Les mains sont douces, elles appuient fortement là où il faut, là où je suis le plus tendue.

Je me laisse aller.

Quand je reviens à la maison, R. est dans le bureau avec Y.

Celui-ci apprend à la guitare une chanson de ce très beau groupe. R. l’accompagne comme elle peut, essaye de chanter.

Je l’embrasse, la serre longtemps dans mes bras, enfouissant mon nez dans ses doux cheveux si odorants, cette terrible odeur de bébé, ma drogue douce de maman.

Je regarde mes deux amours.

Il faudrait préparer les asperges pour ce soir.

Je suis si bien.

Et j’ai de beaux ongles rouges.