Maman

Ma fille,

 

Tu es née il y a un an.

 

Je voulais t’écrire un beau poème, sur ce temps passé, ce temps de maternité, où j’ai cheminé lentement, éclairée par ton sourire.

Mais les mots sont insuffisants.

 

J’ai souvent eu peur, le long du chemin.

Je n’étais pas une maman courageuse. Je trouvais tout difficile : le manque de sommeil, les douleurs de l’allaitement, l’accaparement, les déplacements qui devenaient compliqués, mon attitude face à la société, entre déni de la réalité et jalousie de que j’avais perdu.

 

En me réveillant ce matin-là, le lendemain de t’avoir donné le jour, je n’étais pas encore une maman.

Juste une petite fille apeurée, césarisée, diminuée.

J’avais la sonde, la longue cicatrice, la perfusion.

Tout me faisait mal.

Je voulais pleurer et ne pleurais pas. Je me sentais seule et petite. Et toi tu étais là, à mes cotés dans ton cocon de plexiglas. Et je n’osais pas t’approcher. N’en ressentais pas l’envie, tant j’étais concentrée sur mes sensations désagréables.

Je me sentais si mal à l’aise dans cet hôpital ! Le ballet des soignants, qui entraient et sortaient de la chambre comme dans un moulin et scrutaient chacun de mes gestes. J’avais si peur de mal faire ! Je me souviens de celle qui t’a enfoncé le sein au fond du gosier, appuyant si fort ton menton et tes gencives qu’ils y ont laissés une marque.

Je suis désolée de cela.

 

Je suis devenue maman sur le tard. Bien longtemps après l’accouchement.

Souvent, il m’a fallu renouer le fil de cette relation qui se tissait lentement.

 

J’étais fragile, peu sûre de moi, persuadée de tout mal faire.

J’affichais un optimisme bon teint, mais au fond je n’étais que chaos.

 

Avec le temps, j’ai appris : à te suivre.

 

A t’écouter, avec les oreilles mais aussi avec le corps.

 

C’est toi qui m’as montré le chemin.

Au fil de tes découvertes, de tes demandes incessantes, de ta formidable envie de vivre qui m’a poussée dans mes retranchements. J’ai compris que tu me montrais le chemin, et que tu avais besoin de quelqu’un, de moi, ta mère, pour te guider là, t’appuyer, t’interdire et te montrer ce monde insensé et magique dans lequel nous vivons.

 

Tu es née il y a un an et je réalise maintenant le chemin parcouru.

J’ai du m’abandonner, pour me retrouver plus forte et plus complète.

Je n’aurais jamais cru cela possible, être à ce point détruite et à ce point plus solide.

Aujourd’hui, chaque seconde passée auprès de toi est un éclat de vie

 

R. tu es née il y a un an.

Merci d’avoir fait de moi une maman.

 

 

 

 

 

 

Commentaires

1. Le vendredi, 14 octobre 2011, 09:13 par Marie

Magnifique et émouvant texte. C'est vrai qu'en vous lisant les premiers mois je vous ai admirée d'être si franche sur vos doutes, vos angoisses. Mille bravos d'avoir suivi le chemin sans vous décourager.

Belle journée.

2. Le vendredi, 14 octobre 2011, 10:43 par Leeloolène

Déjà fêtée hier... mais je le redis ici Joyeux Anniversaire à petite R. et d'une certaine manière à toi aussi ;)
Chaque maman est différente avec ses travers et ses forces. C'est bien ça qui en fait sa richesse infinie pour l'enfant. Il suffit d'accepter ça. Il n'y a pas UN modèle de maman. Qu'est ce que ce serait chiant alors !

3. Le vendredi, 14 octobre 2011, 10:43 par Leeloolène

Déjà fêtée hier... mais je le redis ici Joyeux Anniversaire à petite R. et d'une certaine manière à toi aussi ;)
Chaque maman est différente avec ses travers et ses forces. C'est bien ça qui en fait sa richesse infinie pour l'enfant. Il suffit d'accepter ça. Il n'y a pas UN modèle de maman. Qu'est ce que ce serait chiant alors !

4. Le vendredi, 14 octobre 2011, 18:12 par valerie

Happy birthday to R.!
Un joli billet plein d'espoir pour les meres qui doutent.

5. Le vendredi, 14 octobre 2011, 19:37 par Akynou

Un très joli texte, qu'il faudra garder et lui offrir à nouveau quand elle sera à son tour maman. Et un bel anniversaire à la jolie R.
Et le plussoie Leeloolene

6. Le vendredi, 14 octobre 2011, 20:55 par Marloute

@ toutes : merci!

7. Le vendredi, 14 octobre 2011, 23:21 par Minium

En général "cliente" de ceux de tes ami(e)s, j'ai lu ton blog en silence. Ta capacité à douter et à te remettre en question t'a certainement aidée à faire tranquillement la place qu'il fallait pour une nouvelle mère et une fille. Bravo à toutes les 2. Quelqu'un qui semble aimer autant cuisiner ne peut pas être mauvais ;-)

8. Le samedi, 15 octobre 2011, 08:08 par Valérie de Haute Savoie

Une phrase a éveillé des souvenirs eux aussi douloureux qui ont fait de moi une maman. Etre désolée d'avoir laissé quelqu'un brutaliser son enfant alors que l'on était là juste à côté mais si paumée, si paumée de cette maternité débutante. Je n'ai jamais douté de l'amour que tu avais pour ta fille, dans tes mots perçaient toujours l'amour. Je suis très heureuse pour toi que tu ais pu reprendre ton métier, que tu ais surmonté toutes ces difficultés. Et bon anniversaire R. dans ta nouvelle maison.

9. Le samedi, 15 octobre 2011, 19:20 par julio

Très bien ton billet; sais le contraire les mères parfait don il faut se méfier ! Puis de toute façon tu l’aurais perdu ta vie passé on la perd tous !
bonne anniversaire a la petite!

10. Le dimanche, 16 octobre 2011, 18:02 par Anne

Bon anniversaire, à R., mais à toi, aussi.

11. Le lundi, 17 octobre 2011, 09:32 par Elisabeth

Il est beau ce billet et il remue sacrément... Bon anniversaire à R.

12. Le mercredi, 19 octobre 2011, 15:46 par Hermione

De quoi j'ai l'air moi, assise à mon bureau avec ma larmiche à l'oeil !

13. Le mercredi, 16 novembre 2011, 14:33 par So

Bonjour,

Tombée sur ton site un peu par hazard, j'ai lu ton poéme pour les un an de ta fille. Je l'ai trouvé magnifique ! Mon petit bonhomme à 17 mois (depuis hier), et je me suis tellement ressentie dans tes mots, dans ma relation avec mon petit, que ton poême m'a beaucoup émue (et a mouillé mes yeux ;-)! Merci pour ce moment partagé !