La vraie vie

Ce matin, je rentre du marché, il fait soleil, j'ai trouve un mignon petit meuble pas cher aux Puces qui sera parfait pour cacher les médicaments loin des doigts de R. Dans une heure, nous partons faire un pique-nique avec un groupe d'amis.

J’ai l’impression, depuis mon retour au travail, que ma vie prend lentement mais sûrement à nouveau le chemin du bonheur. J’ai souvent ressenti dans ma vie des moments d’intense félicité. Dans ces moments-là, je peux mettre mes débuts dans ce travail que j’aime toujours autant, la fin de la précarité, les fêtes avec nos différents groupes d’amis parisiens, la vie à deux avec Y., nos projets d’avenir. J’étais heureuse à différents moments et bien sûr très malheureuse à d’autres. Je n’ai pas été heureuse lors de l’arrivée de R. Ni les jours qui ont suivi, ballottée que j’étais par le rythme des tétées, les nuits hachées, les journées interminables.

Maintenant que R. va avoir un an, je réalise que cette année a passé trrrrrrèèèèèèsss lentement. Elle s’est étirée comme un chewing-gum sans goût, trop dur à force d’avoir été trop mastiqué. Je me sentais seule avec mes sentiments contradictoires, désemparée devant ma fatigue sans pouvoir me détacher une seconde de ce bébé vorace, tant j’avais peur qu’il lui arrive la moindre chose si je m’éloignais d’un mètre. On appelle ça la « préoccupation maternelle primaire », et heureusement qu’on baigne dans cet état d’inquiétude et de besoin de réassurance atroce, sinon je pense sincèrement que R. aurait pu passer par une fenêtre plus d’une fois.

Pourtant, j’ai fait des soirées sans elle, dès le premier mois. J’ai dansé, me suis maquillée, j’ai bu. Mais le lendemain toujours, je l’ai toujours payé si cher que cela m’a passé le goût de recommencer.

Aujourd’hui, je sens que j’aime cette vie à nouveau.

R. se développe bien. Je m’émerveille de toutes ces petites choses qu’elle fait : attraper une banane et la fourrer dans sa bouche, rire parce qu’elle a réussi à descendre seule du canapé, courir à quatre pattes dans l’appartement. Je lis Loczy, Chantal de Truchis Leneveu, Aletha Solther, Claude Suzanne Didierjean Jouveau. J’applique différentes techniques, un peu de maternage, un peu d’écoute et de communication non violente, et surtout, je suis ferme sur bien des choses. J’aime être maman, mais j’aime aussi être mère.

Mon allaitement continu, un peu le matin, un peu le soir, mais je ne suis pas sûre de pouvoir maintenir une lactation suffisante dans les mois qui viennent.

Et surtout, je retrouve ma liberté.

Sans encombrante poussette, sans bébé porté, je marche, je cours dans Paris. Je saute d’un métro à l’autre, enquille les romans avec un goût de revanche tant j’ai été privée de lecture, je bois du café au travail en racontant des bêtises aux collègues pour les faire rigoler. J’écris mes articles, je rêve d’avenir radieux.

Hier, j’ai du toute la journée faire un salon, malgré le beau soleil.

Le soir, à 19h, j’étais coincée dans le métro à Vincennes et je voyais les derniers rayons qui fuyaient. J’ai appelé Y. pour le prévenir que je ne rentrerais pas de suite. Tant pis pour la tétée de R. qui s’est contentée d’un biberon. Au lieu de cela, je suis allée rejoindre mon ami Ri., ensemble, nous sommes allés à un apéro d’amis à lui, dans sa radio, et d’autres gens des médias.

Soirée bière pizza.

Je suis partie un peu avant 23h, enchantée.

Dans le métro, un monsieur m’a appelée princesse.

Je me suis dit que vraiment, vraiment, je retrouvais là le goût de ma vie, ma vraie vie.

Commentaires

1. Le dimanche, 2 octobre 2011, 12:41 par Lise

C'est tellement exigeant, un tout petit.
De l'émerveillement, et une énorme difficulté, c'est ce que je retiens de ces années-là. Cela m'a changée en profondeur, comme si j'avais été passée au rouleau compresseur jusqu'à sortir une grande partie de mes blessures.Décapant. Nourrissant aussi.
Mais les jeunes mamans sont tellement isolées dans notre culture...

Un tel soulagement de les voir grandir... de retrouver l'énergie qui manque quand les nuits sont hachées, de porter sa curiosité sur ce qui nous intéresse, nous. De faire la fête à nouveau en pouvant dormir le lendemain, car , même s'ils se bagarrent un peu, ils se débrouillent.
J'ai eu l'impression quand mon petit dernier a eu 4 ans de retrouver une pêche que je n'avais pas à 20 :-)Un énorme appétit de vie. Ca ne s'arrange pas ;-)

Profite +++
lise

2. Le dimanche, 2 octobre 2011, 21:02 par Marloute

Comme tu as raison!

3. Le dimanche, 2 octobre 2011, 21:25 par captaine lili

J'ai l'impression, de mon point de vue très extérieur de femme sans enfant, que c'est plus ton histoire, une certaine pression que tu t'es mise, qui a donné cela, plus que "le rythme des tétées, les nuits hachées, les journées interminables" (même si je ne doute pas de leur réalité épuisante !)... Hum, cette impression n'est pas simple à expliquer ! :-) Mais je suis ravie que tu retrouves de la sérénité dans tes choix de vie ! C'est tellement bon de se sentir "dans sa vraie vie", comme tu dis !

4. Le dimanche, 2 octobre 2011, 21:38 par Valérie de Haute Savoie

C'est drôle, je n'ai le souvenir que de deux semaines un peu difficile après la naissance, mais tant de bonheur à avoir eu mes deux enfants. Et pourtant avec G. j'ai tant voulu mourir nuit après nuit jour après jour. Mais je ne garde que les beaux souvenirs. Je suis contente pour toi que tu sois à nouveau heureuse.

5. Le lundi, 3 octobre 2011, 13:39 par Elisabeth

Ce billet fait vraiment plaisir à lire!