Tentative d'aménagement

Le matin, après un rapide baiser, il s’en va.

Il y a sa serviette de toilette humide, jetée en boule sur le lit.

Il y a sa lenteur à tout faire, moi qui voudrait tant en faire dans une seule journée.

Il y a ma mauvaise humeur, cette impression que je fais beaucoup plus de tâches que lui, beaucoup plus de tâches qu’avant d’avoir un enfant.

Avant, avant, quand je vivais seule, j’abattais un nombre de tâches incroyables dans une seule journée. Je voyageais au bout du monde et je puisais ma force dans ma belle solitude.

Aujourd’hui, je me fais souvent peur. 

Toute la journée,

je l’attends,

mon bel amant.

Le soir, il me trouve échevelée, crevée, amère et peu amène. S’il arrive avant 22h, je lui jette un enfant somnolent dans les bras, sinon, je regarde mes mails sans mots dire.

Mais je l’aime, je l’aime plus que je n’ose me le dire.

Mais il y a ses mains, son cou, sa bouche qui sent la fumée et pour laquelle je fonds quand nos salives enfin se mélangent.

Et il sait se faire pardonner, les chaussettes roulées dans le salon et la vaisselle qui reste sale.

D’une main, il caresse mon visage et je me blottis contre son torse.

Il s’excuse, promet qu’il en fera un peu plus, promet qu’un jour, bientôt, il gardera la petite « toute une journée », « Oui toute une journée », et que j’irais me faire masser, que j’irais au cinéma, que je partirais seule à la mer, loin loin loin de la poussière et des meubles qui ne veulent pas se monter seuls.

Mais je ne veux plus être éloignée de ma toute petite fille.

Mon univers s’est rétréci à son sourire.

Mon univers n’allait déjà plus très loin de son père depuis toutes ces années, il a juste inclus un membre de plus dans sa bulle.

Je ne veux plus partir seule, je ne veux plus partir loin.

Je veux sentir leur chaleur à tous deux, le matin quand je me réveille et que l’enfant fait de petits bruits en tétant.

Alors je pends la serviette mouillée et je lave la vaisselle.

Et toute la journée,

je l’attends,

mon bel amant.