Jeunesse et vieillesse...

J’écoute le nouvel album de Syd Matters, un chanteur que j’adore. Y. me fait remarquer qu’il sera en concert en novembre, et que je peux me prendre une place. Novembre. Le bébé sera là avec nous, et je n’ose pas acheter un billet. Et si je ne pouvais pas y aller ? C’est difficile d’imaginer cette vie là, la vie d’après, quand l’enfant sera là, et que tout aura changé, que tout sera chamboulé,alors qu’à présent, nous décidons en début d’après midi d’aller voir un film en fin de journée…

Hier, je me suis levée tôt, alors qu’on avait papoté jusqu’à 2h du matin la veille avec nos amis de Saint Ouen, en mangeant du melon parfumé avec un jambon cru délicieux. Une fois mon thé avalé, je suis descendue à la Madeleine, acheter un thé d’été chez Fauchon et du bon chocolat. Des parisiens fortunés et des touristes y prennent leur petit déjeuner. Je règle mes emplettes et retourne dans mon 17ème populaire. Patiente dans la file d’attente de la poste de l’avenue de Clichy. J’achète un colissimo pour y mettre le thé et le chocolat, et j’écris une longue lettre pour souhaiter un bon anniversaire à ma deuxième grand-mère, la mère de mon père. Je sais qu’elle sera ravie d’avoir des produits de luxe, des produits « de Paris » qu’elle pourra exhiber en recevant ses amies à l’heure du thé.

Il y a 15 jours, s’achevait ma correspondance d’un an avec mon autre grand-mère, la mère de ma mère. Je lui avais offert le 14 juillet dernier une année de lettres hebdomadaires. Je lui ai raconté la fin de l’été à Paris, la rentrée, nos vacances incroyables à New York, mes plaisirs de l’hiver, j’avais tu la préparation du bébé, mais j’avais parsemé mes lettres d’indices divers et variés, je lui avait raconté mes défis au boulot, mes soirées entre filles, les déboires de mes copines, mes week-end en amoureux, le printemps qui n’arrivaient pas, mes attentes concernant le bébé. Plusieurs fois dans ses lettres à elle, elle m’a remercié de cet étrange cadeau, qu’elle attendait mes lettres et que ce que je lui racontais la faisait voyager, alors que dans l’Ain sa vie était si différente la mienne, jeune parisienne trentenaire pressée.

Hier, quand j’ai eu fini le cadeau pour l’autre mamie, j’ai appelé la vieille dame, avec qui je fais des sorties parfois, J. « Allo J. ? Ca va ? Alors, vous êtes prête pour notre sortie ? » Je lui avais envoyé il y a quelques semaines un bon cartonné où il était juste écrit « BON POUR UNE CROISIERE EN BATEAU SUR LA SEINE » Ce samedi de juillet, il ne faisait pas trop chaud, pas trop frais. Nous sommes parties bras dessus bras dessous, moi avec mon grand chapeau pour éviter le soleil, et une petite bouteille d’eau. Nous avons pris le RER C, nous sommes arrêtées sous les pieds de la tour eiffel avant de rejoindre les grands bateaux de tourisme qui baladent toutes les nations sur la Seine. On a beaucoup parlé, de sa vie d’avant, de toutes les activités qu’elle avait l’habitude de faire, et qu’elle ne pratique plus du tout, par manque d’envie et d’amis avec qui les partager. J. n’a pas d’enfant et vit seule depuis plus de 20 ans. Nous parlons de tout de rien, de notre nouvel appartement, de la mort, de sa famille en Angleterre. Je pense à elle souvent quand je m’imagine comment on peut finir sa vie ici. On est de plus en plus éloignée de la vie des autres, de ceux qui vivent en famille, et on meurt souvent aussi seul qu’on a vécu les dernières années. Bien sûr, j’imagine souvent que je vivrais en colocation avec d’autres mémés, que ma famille à moi m’entourera, que j’aurais prévu depuis longtemps un maintien à domicile avec une assistante dévouée, mais la vérité c’est que personne n’y pense souvent, parce que cela nous fait trop peur, et que la perspective de notre fin nous rend triste, moi comme les autres.

Hier soir, quand je suis rentrée, j’ai retrouvé Y. avec qui je suis partie à une burger party, dans un appartement dément à Barbès. Nous avons beaucoup ri et chanté pour fêter les 30 ans d’un ami. Je suis rentrée seule sur le coup des 1h, tandis qu’Y. est revenu à pieds au petit matin. Quelle belle jeunesse que la notre pensais-je en croisant des groupes de jeunes gens maquillés et parfumés qui s’en allaient envahir les dance-floor branchés de la capitale, tandis que je rentrais me coucher, épuisée par ce bébé-fille qui n’en finit pas de peser. Profitons profitons pendant qu’il est temps, et que nos os ne sont pas fatigués, nos amis enterrés, et nos mémoires effilochées !

Commentaires

1. Le dimanche, 25 juillet 2010, 21:36 par Leeloolène

Vraiment un magnifique billet !!

2. Le lundi, 26 juillet 2010, 10:53 par clem

quelle forme olympique! tu pars en promenade, tu travailles, tu fais la fête, tu rentres à 1h du mat à pied... impressionnant.
On est allé voir Charlotte Gainsbourg en concert l'autre jour et en première partie, suprise : Syd Matters!!!

3. Le mardi, 27 juillet 2010, 08:26 par Marloute

Leeloolène : merci! J'étais bien inspirée!

Clem : Charlotte Gainsbourg ET Syd Matters : oh la veinarde!

4. Le mercredi, 28 juillet 2010, 16:49 par Fauvette

C'est vrai, c'est extrêmement touchant ce que tu écris.
Nous parlions il y a peu avec des amis, qui disaient pourquoi aller en maison de retraite plus tard, on peut vivre avec des amis, et s'offrir de bons soins !
Eux sont déjà retraités, ont travaillé dans "le social" et se disent qu'ils faut penser à l'avenir et surtout ne pas dépendre d'une collectivité ou... d'une famille...

5. Le mercredi, 28 juillet 2010, 19:51 par Marloute

@ Fauvette : c'est une chose qui m'a toujours étonnée : alors que nous sommes tous appelés à mourir en plus ou moins bon état, avec une dégénérescence totale ou partielle, on ne parle jamais de notre fin, on fait rarement des préparatifs pour anticiper ce passage, qui peut prendre plusieurs années! J'espère que les choses changeront dans les années qui viennent!