Tentative d'aménagement

Je me lève tôt.

Avec Y., nous sommes rentrés tôt de la manifestation hier soir. Nous mangeons la ratatouille froide avec du pain frotté à l’ail et à l’huile d’olive. Ensemble, nous examinons les diagnostiques de notre futur appartement. Eh oui, nous avons trouvé. Ce sera lui pour lequel nous avons fait une offre qui a été acceptée, grâce à l’avis éclairé du frère de Leeloolène.
Nous signons vendredi prochain pour ce nid qu’il faudra entièrement rénover avant qu’il soit habitable.
Mais il rassemble beaucoup de nos critères : près de Paris (400 mètres, pas pu faire mieux !) calme, lumineux, ancien, grand et avec une « âme ». C’est très bête à dire comme cela, surtout quand on voit l’étendu des dégâts : papiers peints, électricité à refaire, isolation nulle, cuisine à peine habitable, lino au sol…
Mais je sens que je vais y faire mon chez-moi et que j’en ferais quelque chose de beau.
Bien sûr, pas aussi beau que les magazines de déco empruntés à  Leelolène, mais je sens que c’est là, c’est « lui ».

Après tout cela,

Je me suis accordée une journée-off.

Y. est parti tôt pour un reportage express à Lyon.
Moi je me lève, boit mon café. Ecoute la dernière de Nicoulas Demourand. Dommage que maintenant il "déteste" Y. (En vrai je n'en sais rien, et Y. non plus mais il s'en doute) Je l’aimais bien moi. Sa voix, sa façon de mener les interviews, son dynamisme. Tant pis!
Je descends chercher mes résultats d’analyse au labo du coin de la rue. Achète du pain. Passe au centre social, m’inscrit à un stage de chant prénatal la semaine prochaine.
Il était temps, la grossesse avance et je n’ai rien fait encore en préparation quelconque, occupée que j’étais pas la recherche d’appartement.
Je remonte chez moi.
Il fait déjà chaud. J’applique la technique de choc d’une collègue : enlever son t-shirt, le tremper sous l’eau, l’essorer, le remettre.
Radical. On gagne quelques heures de fraîcheur.

Je grignote en écoutant la radio. Il me faut toujours quelques jours pour m’habituer à la grille d’été, aux nouvelles voix. Parfois, en écoutant un présentateur bafouiller, j’éteins le poste rageusement. Pas facile de changer ses habitudes !
Je pars au cinéma. Une grande salle climatisée où je ris comme une ado devant Fatal. Mais ça ne vaut pas le prix de la place. A peine pour la fraicheur gagnée. Rentrée à l’appartement, je m’endors sur le canapé en lisant.

Je suis réveillée par le bébé-fille qui fait des galipettes dans mon ventre.

Je regarde la surface de ma peau onduler sous ses mouvements, parfois légers, parfois brusques. A quoi pense-t-elle ? M’entend-elle déjà ? Je caresse ce que je pense être sa tête. Elle semble s’approcher encore. Bientôt, je pourrais l’embrasser en vrai et je serais alors sa maman.

Le mot me fait bizarre.

Maman.

Quel mot d’adulte !

 La journée passe doucement, dans la chaleur, entrecoupée par un orage, aussi brusque que temporaire. Je reçois un email de mon amie L. Ce sont des photos de moi au lycée, qu’elle a scannées alors qu’elle se repose chez ses parents. Elle me donne des nouvelles d'une de nos amies commune, qui attend son troisième enfant. Les photos sont assorties d’un mot : « Pour que tu n’oublies pas, que toi non plus, tu n’as pas toujours été qu’une maman »

Je me revois alors jongleuse enflammée dans les rues de Lyon, puis la tête rasée pour fêter le bac.

Merci L. pour ce beau cadeau.

J’essayerai de ne pas oublier.