Ecrire un livre

Quand j’écris un livre, il y a toujours des moments que j’aime et ceux que je redoute.
La première phase est ma préférée : la documentation. Je fouille dans les bibliothèques, prend des livres, lis des romans sur mon sujet, regarde des films, des livres de photos, des magazines qui parlent de ça. C’est la phase d’imprégnation, où je furète, je musarde, je me pose des questions. Déjà, dans ma tête, pendant que je fais la cuisine ou que je me lave les dents, des phrases se forment : je me pose la question de comment parler de tel sujet, vais-je aborder tel autre ou le laisser de côté.
Puis vient l’étape du plan. C’est une des plus douloureuses, avec la première réécriture. Je dois organiser mes idées dans un système cohérent. C'est-à-dire que tout ce qui était jusque là flottant doit se transformer en une succession de scènes logiques, qui plaira au lecteur, et avant lui à l’éditeur.
Puis vient le premier jet. En règle générale, je saute le plan et fais direct un premier jet. Cette plongée dans l’écriture est agréable quand je n’ai pas de plan, car elle me permet de parler de tout et de rien, de laisser courir mes doigts sur le clavier sans me préoccuper de ce que je raconte.
Quand vient la première réécriture, l'horrible, la terrible première réécriture, je réexamine le premier jet et dois le réécrire. C’est un véritable supplice : je remplace une phrase, modifie une tournure, déplace un paragraphe entier, tourne et retourne une phrase dans tous les sens. Ce stade là est terrible. Dans ma tête résonne des phrases qui viennent d’on ne sait où : « Tu ne sais pas écrire ! C’est n’importe quoi, c’est incompréhensible ! Toi, un auteur ? La bonne blague, tu es juste un imposteur. Les vrais auteurs n’écriraient jamais des choses aussi débiles… » Pour échapper à mes voix, je me lève du clavier et fais des millards de choses (au lieu d'écrire) du style : passer le balai, brosser le chat, me faire du café/du thé/à manger, descendre faire des courses, regarder un épisode de série….

Puis vient le moment où je dois, contrainte et forcée, me remettre à l’écriture, parce que l’échéance de rendu approche. J’ai beau me débattre, me plaindre, pleurnicher que je ne veux pas y retourner, je dois me rendre à l’évidence : il faut continuer.
Si je n’y arrive vraiment pas, j’envoie mon texte en relecture à une ou deux bonnes âmes autour de moi. Elles me donnent des pistes de réécriture et m’encouragent à continuer. Souvent, c’est Y. qui s’y colle. Il vient s’assoir près de moi et lis ma prose à voix haute. Il coupe, corrige, reprend, puis me redonne le clavier quand il sent que je peux continuer toute seule.
En règle générale, je rends toujours mon texte à l’heure, et même parfois un peu en avance sur le calendrier prévisionnel. Je ne suis pas du genre à travailler la veille ou à procrastiniser. Je me fais des retro planning et les tient bien en général. Mon moment préféré, est (comme tout le monde je crois) le moment où je découvre mon texte mis en page, avec les illustrations et quand il vient juste d’être imprimé. Je suis à la fois très fière et un peu intimidée.

Puis, chose très, très étrange, je le renie à la vitesse de l’éclair.
Assez vite, je déclare haut et fort que tout ce que j’ai écris me vient de mes relecteurs, que le livre est mal fichu, que les informations sont fausses et qu’il faudrait être fou pour l’acheter. Autant dire que la phase de promotion du livre, avec son cortège de radios et de télé est un enfer auquel j’ai échappé jusque là très régulièrement, en ne cherchant pas du tout à faire connaître le livre et si par malheur, quelqu'un venait me chercher pour en faire la promotion dans son média, j'envoyais balader les journalistes. Quelques rares fois où j'ai répondu à une interview, je me suis ridiculisée sur un plateau en répondant à côté de la plaque.
Parler de ce que je fais est horrible.
Je me trouve pathétique et je voudrais m’enfuir sur une île déserte sans téléphone portable pendant toute la durée de la sortie du livre. Autant dire que j’ai encore beaucoup de boulot devant moi avant de devenir un écrivain à succès. Mais, le plus étonnant, c’est que je retrouve toujours un enthousiasme intact quand je pars sur un nouveau projet…
Etrange non ? On pourrait faire un livre sur ce paradoxe d’écrivain.
Tiens, une nouvelle idée ! C’est parti !

 

Commentaires

1. Le dimanche, 21 juin 2009, 11:05 par clem

tu me fais vraiment rire :)

2. Le lundi, 22 juin 2009, 14:01 par captaine lili

... c'est drôle, je n'ai pas ces paradoxes... je vais essayer de mettre des mots sur les miens...
Pour les tiens, je me demande... paradoxe d'écrivain ou de journaliste ? ...

3. Le jeudi, 25 juin 2009, 16:15 par Marloute

Capitaine Lili : d'écrivain! Car cela ne me le fait que pour les livres que j'écris!
Les articles (surtout si j'apprécie le support) j'en suis hyper fière!