Le loup et l'agneau

G. fume des cigarettes et écrase de temps à autre avec nervosité une larme qui commençait à rouler. Nous sommes toutes les deux assises par terre, sur un matelas, avec un carton pour table basse et pour tout repas, de la bière et des pistaches, dans son nouvel appartement.
Elle a passé la journée sidérée, sous le choc, interdit, face à la violence de la scène de ménage que vient de lui faire son nouvel amoureux. Un jeune homme propre sur lui, qu’elle m’avait pourtant présenté. Mais c’est Dr Jekill et M. Hyde.
D’après ce qu’elle me raconte, l’amoureux transi se ferme pour un rien et son visage n’est que haine.
Il profère des horreurs.
Elle me dit qu’elle a peur. Elle me dit aussi que tout est allé trop vite, qu’il a tenu à rencontrer sa famille, qu’il habite chez elle, que son nom est déjà sur la boite au lettre, qu’elle ne peut pas revenir en arrière. Hier soir, elle a juste eu le malheur de lui dire qu’elle ne se sentait pas entendue, ni écoutée. Il a pété un plomb. Lui a balancé qu'elle était pleine de haine. Il est parti ce matin sans lui parler.
Elle ne sait pas si le départ de ce matin est le bon, s’il l’a quitté.
Elle pleure.
Elle a juste besoin qu’on prenne soin d’elle.
Je lui dit de fuir. De fuir aussi vite que possible, aussi loin que la porte ses jambes. Que ce genre d’hommes sont des paumés, dont l’apparence lisse cache des tordus, que si au bout de deux mois, il l’insulte en lui faisant croire que c’est elle qui le pousse à bout, je ne lui donne pas deux autre mois avant qu’il ne la frappe. Je dis aussi que ce genre de gars vous font croire que c’est un honneur qu’il daigne vouloir se marier avec vous, qu’ils vous font un enfant très vite, et que très vite ils vous font abandonner carrière, amis, famille, pour vous « ferrer », pour vous tenir sous leur coupe.
Elle pleure. Je l’enserre dans mes bras. J’embrasse ses cheveux. Elle a le corps secoué de sanglots. C’est une petite fille fragile, perdue. Elle fait des sauts de puce, d’hommes en homme, de paumés en losers, qui l’un après l’autre, abîment son égo, la font sentir plus bas que terre.
Longtemps après avoir terminé la bière et les pistaches, je lui parle de tout ce qui fait sa force : sa beauté, son intelligence, son talent, son rire, son enthousiasme. Mes mots ne sont que des mots, car elle ne me croit qu’à demi. C’est à elle de retrouver la confiance. C’est à elle de s’aimer a nouveau pour ne pas tomber dans le panneau. C’est à elle de prendre soin d’elle, pour se donner la permission, le droit de rencontrer quelqu’un de bien. Tant que ce chemin ne sera pas fait, je sais que mes mots ne serviront à rien.

Sur le pas de la porte, je lui demande si elle est sûre qu’il ne reviendra pas, je voudrais qu’elle change les serrures, qu’elle le quitte.
Elle me dit : « Il a oublié ses lunettes ».

Alors je sais que le grand méchant loup va revenir. Peut-être même avec un bouquet, disant qu’il a compris, qu’il ne recommencera pas.
Et c’est l’agneau qui le laissera entrer dans la bergerie et lui mettra les bras autour du cou.
Je m’en vais le cœur serré.
Prie pour elle. « Faites qu’elle trouve la force, tant qu’il est encore temps ! »

Commentaires

1. Le jeudi, 30 avril 2009, 09:14 par Leeloolène

Et mince alors ... Je pensais qu'elle commençait à émerger du précédent... Quelle tristesse.

J'espère qu'il va vite vite s'éloigner... et ne pas la faire trop souffrir. En tout cas... ça confirme bien ma célibattante attitude !! Pour s'enticher de mecs pareils... non merci !!!!

2. Le jeudi, 30 avril 2009, 15:08 par Marloute

Oui! Je pensais à toi! en me disant : mieux vaut seule que mal accompagnée

3. Le vendredi, 1 mai 2009, 09:26 par captaine lili

Moi aussi je me dis "mieux vaut seule..." :-) C'est terrible ces situations...

4. Le lundi, 4 mai 2009, 23:38 par Lyjazz

Commence déjà à prendre contact avec des assoc de femmes battues : des personnes pourront lui brosser le portrait de ce genre d'hommes et lui expliquer ce qui peut lui arriver. Et surtout quoi faire si ça arrive.
Une cousine est passée par là :-((

5. Le mardi, 5 mai 2009, 21:52 par Marloute

Oui, j'y ai pensé...
Mais comment lui faire entendre avant qu'il ne la tape?
Depuis, elle est partie quelques jours chez ses parents, et vois pas mal de monde ces jours-ci... Je suis rassurée. Pour l'instant, il n'a pas repointé le bout de son nez... Je me tiens à sa disposition...