Mauvaise journée

La journée d’hier a très mal commencé.
Je me suis levée un peu trop tard, paniquée à l’idée qu’un employeur dont j’attends le coup de fil avec impatience ait cherché à me joindre sur mon téléphone portable.
Non, il n’y a pas d’appel.
Je traîne alors sur Internet, commence à regarder les offres d’emplois, me demande si je ne vais pas postuler pour un poste de journaliste territorial. Je rédige une candidature spontanée pour une agence de presse, l’envoie et vais me faire un café. Le portable sonne. Ce n’est pas mon coup de fil attendu, mais l’agence de presse, à qui je viens d’envoyer mon CV. « Oui bonjour, je vous appelle, nous n’avons ni budget piges, ni budget pour un poste, mais je voulais savoir si vous seriez intéressé par un stage… »
Je fulmine.
J’essaye de faire en sorte que ma voix ne trahisse pas ma colère.
Le stage.
C’est bien, un stage, surtout s’ils n’ont pas d’argent derrière pour prendre des piges, c’est très encourageant ça.
C’est surtout de la main d’œuvre gratos.
Des gens qualifiés, comme moi, des journalistes professionnels, à qui on demande de bosser… pour rien du tout.

Cet appel me tue.
J’éteins l’ordinateur.
Retourne me coucher, avec mon café et un livre.
Hors de question de travailler aujourd’hui.
La mélancolie est énorme, j’ai envie de pleurer.

13h, je grignote, debout dans ma cuisine, le reste de navarin d’agneau de la veille. Il était vraiment délicieux, mes invités se sont régalés. Je prends mes lunettes, mon manteau de pluie, et saute dans un bus.
Sur mon petit carnet, j’écris des bouts de conversation, ce que se disent les gens autour de moi.
Autant d’idées pour des histoires futures.

Puis je m’arrête rue du Louvre. Je flâne devant le magasin de produits de cuisine, Dehillerin.
J’arrive à Beaubourg, à la bibliothèque.
Musique à fond dans les oreilles, je fais la queue avec les étudiants. Une annonce nous dit que la bibliothèque est pleine, que le temps d’attente est de 2h.
Je quitte les rangs.
Contourne le bâtiment.
Je vais visiter une expo.

Il y a d’abord Edouard Sautai, à la galerie pour enfants, c’est génial. Des petites maisons, des échelles différentes, un régal qui me revigore, me met de bonne humeur (enfin) et puis Louise Bourgeois.
Je ne connaissais pas, je suis conquise. Le documentaire sur elle est truculent. Quelle dame incroyable ! Quelle vie, quelle recherche !

Les heures passent et je flâne encore dans le reste des expos. Je vois des artistes que j’adore : Dado, Nikki de Saint Phalle, Tapiès, Klein, Alechinski, Joseph Beuys, Boltansky, Basquiat, Stark, Cai Guo Qiang, Anselm Kieffer, Gérard Garouste, Mario Merz, et une œuvre filmée magnifique de Jordi Colomer sur le Yémen. Je suis à nouveau pleine de joie, pleine de ressources, quand je sors de l’exposition.

Je retourne vite chez moi, ce soir, je vais au concert de cet ami. Assez du gris et de la pluie, je m’habille de toutes les couleurs, du turquoise, de l’orange, du rouge à lèvre carmin.
Le concert est magique, car cet ami a beaucoup travaillé, avec un pianiste, ses nouvelles chansons.

En sortant, je discute avec une amie du groupe. Elle travaille au Muséum d’histoire naturelle. Elle aurait peut être besoin de journalistes pour écrire les textes du site web.

Je lui donne mes coordonnées, je rentre chez moi.

Il est une heure du matin.
Cette journée, qui avait si mal commencée, se termine bien.