Rompre

Je subissais depuis quelques mois,
insidieusement,
une sorte de chantage,
de la part de la personne sur qui j’ai écris mon livre.

Après deux ans de travail, quand le bouquin fut fini et accepté par un éditeur, je n’ai pas reçu de remerciement. Ce week-end, je devais me rendre dans le village, pour faire une vente du livre, pas vraiment une signature, une vente, et les profits n’iraient pas à moi, car la personne sur laquelle j’ai écris, arguant le fait qu’elle était très malade et que ce n’était pas normal que je sois seule à toucher de l’argent sur ce livre (que j’ai pourtant écrit de bout en bout, racontant son histoire certes mais en la tissant de reportages et d’interviews pour rendre son propos non pas personnel mais universel), et bien cette personne a bien trop insisté sur le fait que j’étais obligée de venir.
Et quand on m’oblige à faire quelque chose, en utilisant un chantage affectif, c’est le meilleur moyen de me faire fuir. J’ai appelé ce matin pour dire que je ne viendrais pas. Trop de boulot. Elle m’a dit de laisser tomber le boulot, que la vente du livre était plus importante. J’étais déboussolée. Qui étais je à ses yeux ? Une « nègre » d’écriture, (pourtant non payée) qui avait mal fait son travail (j’avais rédigé le livre qui me paraissait être le plus cohérent et intéressant, pas celui qu'elle attendait) et qui devait maintenant « se racheter », en travaillant plus…
Incroyable.
J’ai été encore plus sèche avec son amie, qui m’a appelé ensuite, sur sa demande, pour me faire culpabiliser. Je venais de Paris, payant mon billet de train, pour répondre à la lubie d’une vieille dame, pour qui j’avais déjà fait beaucoup et qui semblait estimer que je n’en avais pas fait assez. Après une nuit blanche, à comprendre qu’avec ce genre de personne, quoi qu’on fasse pour elle, on ne récolte qu’une volée de coups, j’ai décidé de dire stop.

J’ai appelé pour me dégager. Ne pas lui donner raison. Ne pas répondre au chantage. J’écrirais, plus tard, une jolie lettre, quand ma colère sera passée, pour lui dire le plaisir que j’ai pris à faire connaître son histoire au monde. Mais que je ne suis ni son valet, ni son chien. Que je n’ai rien à lui devoir, mais qu’elle me doit par contre une seule chose : un merci. Qu’elle n’a jamais prononcé et qu’elle emportera sans doute dans sa tombe. Et pourtant, qu’il aurait été plus poli de dire, avant d’exiger encore de moi certaines choses.

J’écris ceci à l’heure où j’aurais du arriver dans le village, et lui donner raison en lui obéissant. Me dégageant de tout cela, en voyant sa réaction de colère (elle m’a raccroché au nez au téléphone quand j’ai dit que je ne viendrais pas) je me dis que j’ai vraiment, vraiment bien fait. On devient parfois masochiste à trop vouloir bien faire, à vouloir être aimé, et on se fait malmener par des personnes qui ne réalisent pas.

Jamais ne n’ai pris de meilleure décision pour moi. Se dégager du chantage, sortir d’une relation malsaine, revenir sur ce pour quoi on a fait les choses, un travail, et profiter d’un week-end mérité.

Réagir en adulte, enfin.
Enfin.

Commentaires

1. Le dimanche, 9 septembre 2007, 03:08 par Oxygène

Bravo !

2. Le dimanche, 9 septembre 2007, 03:10 par captaine Lili

Je suis surprise du décalage entre ce que tu dis ici et le portrait d'elle que tu as écrit, son combat que tu as relayé.
Ta décision est la bonne, d'abord parce que c'est la tienne, ensuite parce que c'est reconnaitre ton propre travail et la valeur qu'il a.

3. Le dimanche, 9 septembre 2007, 13:02 par Marloute

C'est d'autant plus dur pour moi je crois...
Cela me fait penser à la polémique autour de Etre et avoir, de Nicolas Philibert.
Le portrait de l'instituteur était plein d'amour, mais cela n'a pas empeché l'homme d'attaquer le réalisateur du documentaire...

Etrange....

Je navigue depuis hier dans une sorte de berceau de culpabilité, et une fermeté nouvelle...