De l'angoisse à se serrer le cou

Je remonte le canal de l’Ourcq, pour aller voir ma psychanalyste.

J’y vais inquiète, à reculons, comme d’habitude, et avec un peu d’impatience aussi. Je regarde les nuages lourds, sent le vent qui balaye mon long manteau.
Je me sens belle dans mes nouveaux habits. Hier, une voisine a laissé un plein sac d’habits près des poubelles. J’ai tout récupéré et fait le tri, entre ce que je peux mettre et ce dans quoi je ne rentrerais plus jamais, en tout cas dans ma vie de femme fertile, (Je garderais cette taille ronde, ce ventre rebondi, ces creux et ces bosses le long des cuisses à l’aine. Plus jamais le 36 béni de mes vingt ans, ou peut être plus tard, quand je serais vieille et sèche, je me vois bien vieillir en une petite vieille dame menue, plissée de rides profondes, comme celles qui commencent à marquer mon jeune front).
Alors j’étais heureuse de trouver deux « gilets de danseuse », de Zadig et Voltaire, trois petit hauts de Vanessa Bruno et une longue robe d’intérieur, qui sera ma nouvelle robe fétiche de cet hiver. J’adore trouver des habits dans la rue, et le 17ème de ce coté-là a toujours été prodigue. Je suis capable de m’habiller comme un sac, avec des horreurs qui ne me vont pas du tout, mais j’ai parfois des fulgurances en matière de mode, car j’ « ose » beaucoup.

Je remonte le Canal de L’Ourcq, et je regarde les péniches, les peupliers qui jaunissent en prévision de notre automne, la librairie du MK2 où je lis les nouveautés en livres d’enfants. Mon dessinateur préféré, Quentin Blake, a fait un nouveau livre, très beau, très triste. Je respire l’air, goute la ville qui se prépare doucement au rugby ce soir. Des drapeaux bleus blancs rouge ont fleuri à Barbès. Je remonte le canal, je vais voir ma psychanalyste, en proie à une angoisse. Pourquoi est ce que je ne fais pas les choses que je voudrais faire ? Pourquoi j’attends juste une volée de coups pour toute réponse à mon travail ? Pourquoi est ce que je n’ose pas proposer mes services aux rédactions qui m’intéressent, à ceux qui ne feront pas de mon travail un gloubiboulga misérabiliste et gnangnan ? Je ne sais pas…

Je rentre sans réponses, avec quelques idées qui ont germé -entre mes longs silences- pendant la séance, comme si ma parole elle-même n’avait pas le droit de sortir, ne méritait pas d’être dite, dans cette relation amoureuse -et intime- qu’est l’analyse.
Je suis accablée d’avance du week-end qui m’attend, de toutes les choses à faire… J’ai peur et je me sens submergée. Envie de mettre le nez dans une couette et ne plus penser à rien, dormir, dormir à en mourir, quand tout nous enseveli.
Il est 19h, je bois un verre de vin blanc en écoutant Benjamin Biolay, je vais sortir le nez tout à l’heure pour humer la liesse collective autour du rugby.

Je serais à nouveau moi-même.
Terrorisée de vivre, mais debout.

Commentaires

1. Le vendredi, 7 septembre 2007, 22:38 par captaine Lili

Terrorisée de vivre... ne pas faire ce qu'on voudrait faire... je connais ! Apprendre à lâcher prise, à s'aimer assez pour s'autoriser le bonheur... se dire qu'on a le droit... ça vient avec le plaisir des défis réussis, comme ce week-end pour toi... ça vient avec "savoir qui on est"... Et puis le déclic "là, je n'ai plus le choix, faut que j'y aille vraiment, dans cette vie qui est la mienne" et on n'a plus qu'une envie : rattraper le temps "perdu"... ça n'empêche pas la peur... j'en suis à l'attente : je n'ose pas encore tout à fait...
Pardon pour ce com si long mais ta note m'a parlée... :-) Courage, ta vie vaut le coup de la vivre !

2. Le samedi, 8 septembre 2007, 03:06 par Oxygène

Revenir de vacances et te savoir terrorisée de vivre, c'est raide ! Mais lire que tu es debout... OUF !
Bises.

3. Le samedi, 8 septembre 2007, 15:26 par Marloute

Les amies, merci de votre lecture.

J'ai fait ce matin une chose d'adulte. J'ai décommandé ma venue, donc perdu mon billet de train.

Je ne supportais plus le chantage affectif autour de la vente de ce livre. J'avais limpression que j'en avais fait assez mais qu'on n'étais jamais contente de moi.

Je vais passer le week-end dont je rêve. Sans faire ce que je redoutais le plus, et me rendre malheureuse.
J'expliquerais plus après...