Pensées D'Avignon


C’est si beau,
cette ville, Avignon.
Les rues vides, les petites places. On n'entend que le claquement d’aile d’un pigeon qui prend son envol. Je ne pensais pas que j’apprécierais ce départ. Sur un banc, protégée par le feuillage d’un tilleul, je goûte à la fraîcheur du soir. Les rues sentent bon, des odeurs sucrées de fleurs, d’herbes coupées, de confiseries. Je me promène longtemps, me perd, ne sait pas où je vais. Place Pie, place Pignotte, les Halles, rue de la Masse, rue du Chapeau Rouge, rue Saint Agricol, passage de l'Oratoire...

Débouche sur un rempart, regarde le large Rhône, le même qui passe à coté de mon royaume d’enfance. Pendant deux jours, je me promène, profite du soleil, mange une glace en lisant dans le parc des Doms, sur les hauteurs du vieil Avignon. Je souris en regardant les canetons. Le soleil joue à cache-cache tout le week-end, mais je ne verrais pas tomber une goutte de pluie… A la bibliothèque, je travaille d’arrache pied, puis vais boire une bière à la terrasse d’un bar.

Tout est paisible, à portée de main. Le soir, nous nous travaillons côte à côte dans les locaux de F. Bleu Vaucluse. Je rédige des brèves que Y. a du mal à traiter rapidement. Il sait que je travaille plus vite que lui. Plus mal aussi, mais la technique vaut ce qu’elle vaut, dans notre monde journalistique. J’écoute le silence, la brise fraîche, le soleil mordeur, partout où je m’arrête. Il y a tant à faire, tant à voir…

Quelque fois, ma solitude est trop forte. J’appelle Y. mais il travaille. Nous nous retrouvons pour manger au restaurant. Tout est bon, l’assiette de gésiers et de magrets en salade, les asperges au jambon de Parme. Nous regardons nos longues ombres qui s'embrassent face au Palais des Papes. Nous rentrons main dans la main, par les petites rues tranquilles.
Je repense souvent à ce que je ferais si je n’étais pas avec lui : sans doute plein de choses. Mais ma relation est faite d’un peu de dépendance. Une dépendance qui fait que je m’applique à rogner mes ailes chaque fois que je peux. Je m’empêche de vivre à fond, comme si je faisais de mon couple un fil à la patte.
Pourtant, pourtant j’ai beaucoup appris de mon année de solitude. J’ai appris à sentir les parfums, à voir les couleurs, à m’aimer en dehors du regard des autres. Je ne renierais pas cet apprentissage, mais je l’oublie régulièrement.
Je pense alors que seule je ne vaux rien. Alors que je vaux tout.