L'orage



Vendredi, je suis sortie perturbée normale, de chez la psy.
Pas de déclarations fracassantes, mais je lui ai dit que j’étais jalouse et en colère contre son bébé à elle. Et puis nous avons remonté le fil jusqu’à des scènes étranges, où se mêlent culpabilité et sexualité, où l’on frôle toujours la scène primitive, sans jamais passer la porte.
Comme je suis dans le 19ème, côté quai de Seine, chef lieu bobo par excellence, j’en profite pour entrer au magasin bio. Je regarde tous les bébés portés en écharpe, et les différentes sortes de graines. Je prends un jus de carottes, 57 centimes, c’est tout ce que mon budget me permet.
Quand je sors, il commence à pleuvoir, un vrai orage, grondant et colérique. Je me réfugie sous un porche et me laisse mouiller par le vent chargé d’eau. Je regarde la lumière dorée du couchant qui illumine l’averse. Puis le ciel devient plus noir encore et je craque. J’ai froid, je suis encore loin de chez moi. Je pars, sous la pluie, rejoindre un métro, un bus n’importe quoi qui me sauvera des eaux.

J’arrive frissonnante et trempée dans l’appartement sombre. Je caresse le chat et me fais couler un bain chaud. Je verse dedans quelques gouttes de lavande. Je me glisse dans l’eau chaude avec délice, les écouteurs sur les oreilles. Longtemps, je reste sans bouger dans l’eau fumante, profitant du moment.
Les bains sont si rares, mais si précieux !

L’eau s’en va au goutte à goutte et je reste immobile dans la baignoire qui se vide. Quand tout est vide, je suis presque sèche, bien au chaud. Je sors, mets une doudoune d’intérieur en polaire, et les chaussons d’hiver, j’écoute la radio, l’émission de Zoé Varier, sur un homme de 75 ans en instance de divorce.
Il est amoureux de sa femme, et cherche par tous les moyens à la reconquérir.
Je souris.
C’est vendredi soir.