Babel

Cela fait deux soirs que je regarde le film de Boris Lehman, Babel. Deux soirs, parce que le film dure plus de six heures, presque sept. L’histoire, son histoire, d’un cinéaste qui prépare un voyage en solitaire au Mexique, et de son retour parmi ses amis de Bruxelles. Presque aucune image du Mexique, un ou deux visages tout au plus. Le reste n’est que discussion avec ses amis, après-midi dans les cafés, à la campagne, dans les laboratoires où il développe ses films, Un départ de soi pour revenir à soi. Je ne connaissais pas le réalisateur, jusqu’à ce qu’un ami prête « A la recherche du lieu de ma naissance » à Y. mon compagnon. Un retour à Genève, de la part du cinéaste, qui là, se filme à la recherche de traces de son passé. Dans son travail, dans sa propre autobiographie, j’ai l’impression que le cinéaste me parle. Pourtant, rien de transcendant dans son discours. Il filme une à une les choses qu’il a ramené de ses voyages, montre ses photographies à ses amis. Et j’ai l’impression que ce film est parti à ma recherche. Qu’il dissèque mon passé et mon futur, comme sur la scène ou Boris Lehman consulte un ami « voyant » pour savoir ce qui l’attend. Boris Lehman filme sa vie, et la mienne. "C’est un portrait de moi, par moi-même" dit-il. Filmer l’impossibilité de faire du cinéma. "L’important, c’est le déplacement, pas l’arrivée" explique-til. Il interroge le « je ». "J’aime varier mon existence". Les amis du cinéaste sont tous musiciens, tous artistes. Des intellectuels en somme. Il dit : "Les malheurs sont là. Il faut les affronter, ou les fuir, mais ils sont là". "C’est toujours un peu sa mère qu’on cherche". "Avoir peur de ce qu’on a envie, c'est toujours la même chose". "Mes enfants à moi, ce sont mes objets". Comme je me retrouve dans sa dernière phrase. Quand on n'a pas d'enfant à soi, toutes ces choses que l'on fait pour créer quelque chose.