Le divan de Marloute

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samedi, 19 octobre 2013

Les émotions

La journée de jeudi était éprouvante.

 

Attendre une partie du jour pour savoir qui reste et qui part dans le groupe, lire dans la presse ce qui nous concerne, ne pas réussir à se concentrer à cause des bruits de couloir, décider d’aller chercher à manger au Monop' du coin pour pique-niquer ensemble, à plusieurs rédactions, à la machine à café, accueillir les salariées en larmes d’une rédac qui n’est pas conservée, partager ensemble le vin, le jambon, le chocolat, pour absorber le choc, laisser sortir les émotions, partir en AG pour décider de la suite, et voter la grève, à l’unanimité, subir les foudres de P., qui tourne, inquiet lui aussi, mais soulagé comme nous, de ne pas être dans la charrette.

 

Le soir, le soir, retourner voir ma sage-femme, celle de mon premier accouchement.

Elle a ressorti mon dossier, me montre les monitorings, m’explique qu’on n’aurait pas pu faire autrement que faire ce déclenchement et cette césarienne. Moi, je pleure, je pleure, j’essaye d’expliquer, je ne peux pas, j’ai du mal, c’est difficile et douloureux de sortir des mots, de parler posément de ce sentiment de dépossession, cette perte de soi, cette distance infinie que cela a crée avec mon nouveau-né. Incapable d’accoucher, incapable de mettre au monde seule, incapable ensuite de se pencher pour prendre son bébé qui pleure, car la cicatrice à vif vous invalide trop. Et ces mois passés à ne pas aimer R., tous ces mois, dont nous nous serions toutes les deux bien passées.

 

En partant de chez la sage-femme, je suis vidée, fatiguée.

Mais un peu mieux quand même. Remuer tout ça, même si c’est un vécu douloureux, est important, je dois continuer.

Pas simplement pour moi, pour R., pour Y. et pour un autre petit être.

J’attends un autre bébé. Et contrairement à tout ce que je croyais avant d’être enceinte, je suis heureuse. Inquiète, tourmentée, mais heureuse.

 

 

mercredi, 11 septembre 2013

Etre là sans y être

Je suis dans un état étrange.
Je fais certaines choses sans vraiment y être. Il y a tant à gérer avec cette rentrée, je me demande parfois comment je fais, et comment font toutes ces mamans qui m’entourent, qui ont un/deux/cinq enfants. Il faut penser aux habits, il faut penser à laisser des sous à la femme de ménage, il faut montrer l’emplacement du pyjama et le parc à la nouvelle nounou. Il faut appeler la famille pour raconter la rentrée, il faut payer les charges de l’immeuble et les nouveaux travaux, il faut préparer des goûters pour R. Au travail, il ne faut pas relâcher la pression, mais tous ceux que je dois interviewer me glissent entre les doigts et mes articles piétinent. Les deux derniers articles étaient mal écrits, et je me suis fait taper sur les doigts par le SR. Il y a 4 ou 5 articles en suspend en ce moment, et aucun de commencé. Je fais de la documentation, prépare mes questions, je tourne en rond surtout.
 Du coté de mon enquête, je progresse à pas de fourmis. J’ai mené deux entretiens, et peut être trouvé quelqu’un qui serait prête à co-écrire avec moi. Je réfléchis à la possibilité de me rendre à différents congrès, même s’ils sont loin, si cela me coûtera de l’argent. Pourtant, mon enquête le mérite ! Comment font tous les autres journalistes ? Avancent-ils leurs frais eux aussi, quand ils écrivent quelque chose à côté de leur travail ? On n’est à peine le 11 septembre, et j’ai déjà un sacré coup de mou.
L’impression de m’éparpiller, de ne pas être concentrée. Hier soir, j’ai regardé un documentaire sur cette artiste, incroyablement forte et présente, qui n’a jamais transigé, suivi sa loi et sa créativité.
Ces gens m’inspirent. Je me raccroche à peu de choses.

jeudi, 25 juillet 2013

C'est bon !

Je reprends pieds.

Doucement, tranquillement, je reprends pieds.

Rentré la semaine dernière, Y. a travaillé le week-end précédent et celui qui vient. Je ne me sentais pas le courage d’assumer à nouveau, ce quatrième week-end en maman solo. Alors, j’ai fait ce que je ne fais jamais, j’ai appelé la mienne. De mère. Dans un message essoufflé, la gorge nouée par l’angoisse naissante, je lui ai demandé de venir. Et elle va le faire. Elle doit venir samedi après-midi, et déjà, j’ai l’impression de souffler.

Cette semaine, j’ai lu la très bonne BD de Marion Montaigne, le premier tome, Tu mourras moins bête, que je conseille depuis à tout le monde. Avant-hier, je suis allée pique-niquer sur le canal de l’Ourcq avec des collègues amis de Y. et peut être un millier de jeunes parisiens, agglutinés sur les pavés, dévorant des kilos de tomates cerises et buvant de la bière chaude au bord de l’eau. Il faisait doux, on a parlé, rit, échangé avec une comédienne passionnante et cultivée sur Charlotte Delbo, cette poétesse et femme de lettres, revenue des camps qui parle de la joie de vivre. J’ai aussi rencontré une personne importante pour Leeloolène, A., aux beaux yeux et à l’humanité à fleur de peau. Je suis repartie seule, Y. est resté quasi jusqu’au petit jour. Je sautillais au retour, ravie de ma soirée en plein milieu de la semaine, enfin faire autre chose que m’occuper de R. ou travailler d’arrache-pied pour terminer mes articles avant la coupure des vacances.

Hier soir, je me suis échappée encore. Y. était fatigué, je suis partie rejoindre ma copine A. pour voir Aya de Yopougon. Quelle joie, quelle fête, quel film ! A la hauteur de la BD, un véritable petit bijou, sans prétention et plein de bonne humeur.

Aujourd’hui, malgré le stress du travail, je me sens revivre.

C’est bon.

lundi, 15 juillet 2013

Plus la fière

Ligne 13 du métro.

Problème technique sur la voie. Les minutes s’écoulent et la foule s’amasse. Nous sommes plusieurs centaines à nous engouffrer dans la rame. Il fait chaud, les gens suent, les hommes et les femmes sont collés les uns aux autres, loin, bien loin des périmètres d’intimité de chacun. Mes jolies chaussures à lacet me cisaillent les chevilles. Il faudra pourtant encore marcher, une fois arrivée chez l’ass’mat’, pour récupérer R. et rentrer par les petites rues. L’appartement est en bazar. Conséquence de notre retour à minuit hier, dans la chaleur de la nuit et la foule qui se pressait pour le 14 juillet. Trois jours mi-figue mi-raisin. J’ai adoré voir mes amis, avec ma fille, passer du temps chez les uns chez les autres. Mais j’ai de nouveau détesté être chez mes parents. Vraiment. Pas simplement pour leurs engueulades et leurs petites phrases perfides et mesquines qu’ils s’envoient, me prenant à partie, mais aussi pour leur comportement exaspéré avec R.

Oui, ma fille chouine.

Pour un oui, pour un non, elle couine, d’une manière insupportable. Plusieurs fois, ma mère a levé les yeux au ciel, soufflant bruyamment face aux refus de R. Pas patiente pour un sou. A son âge, j’aurais déjà pris des gifles pour moins que ça. Face à son comportement, je me contiens plus facilement, j’en ai vu d’autres. Je sais que ma fille n’est pas comme ça tout le temps. Elle est aussi vive et enjouée qu’elle peut être râleuse et chouineuse. Mais j’en veux à ma mère et à mon père de la forcer à faire certaines choses, pour lesquels je ne la sens pas toujours prête.

Et moi aussi, chez eux, je redeviens la petite fille qui attend des marques d’amour.

Le samedi soir, j’avais prévu de longue date de manger avec eux. En arrivant, le frigo est vide. Littéralement. Chez des gens qui ont toujours fait les courses, et alors que mon père ne travaille pas ce week-end-là, le frigo est vide. Il faudrait ressortir, aller dans la ville voisine acheter des pizzas, mais unetelle ne veut pas de pizza et l’autre l’accuse de ne jamais rien prévoir à manger. Je me retrouve prise entre les deux feux.

Ce qui pourrait être un accident chez n’importe qui, prend dans ma tête des air de drame : oui, le frigo est vide. Je ne suis ni attendu, ni bienvenue. La preuve : le frigo est vide. Longtemps, j’ai éprouvé le même sentiment quand j’allais chez eux et qu’il n’y avait même pas une chambre pour me faire dormir. Seul le canapé lit du salon pouvait m’accueillir. Depuis la naissance de R., les choses ont (un peu) changé. Mais la belle harmonie autour de sa naissance, la douceur et l’amour qu’elle avait réussi à susciter autour d’elle se fendille.

Ce soir, je rentre avec R., les chevilles mordues des lacérations de mes nouvelles chaussures. R. ne veut pas manger. Elle ne veut pas se laver. Elle n’a pas sommeil. Je cligne des yeux et je me vois la jeter par la fenêtre. Je dessers la table avant de la tuer. Ce serait dommage. Elle n’a pas faim, pourquoi en faire un drame après tout, elle ne mangera pas, ce n’est pas si grave. Je voudrais mettre la ratatouille dans des sacs de congélation. J’en ai trop fait, elle risque de se perdre. Mais le sac perce. Le jus de ratatouille s’écoule partout : sur le frigo, sur le sol, sur les ustencils de cuisine propres. Un jus gras, plein d’huile d’olive. Je pleure de rage, en épongeant. R. effrayée, en retrait, demande d'une petite voix :, « Ahpleure maman ? ».

Oui, vraiment, vraiment, ces derniers temps, je ne fais plus la fière.

mercredi, 10 juillet 2013

Deux fois

La semaine dernière, j’ai fait ma fiérote : je pensais que je gérais tout.

Avant-hier soir, j’ai appris qu’Y partait à nouveau le lendemain. Tout le temps qu’a duré la préparation de son sac, j’étais dans un état de fatigue et de mélancolie triste. On s’est engueulés pour une broutille. Je voulais qu’il me rejoigne dans le lit, profiter de quelques moments avant le sommeil, et lui avait encore des dépêches à lire avant de prendre son avion aux petites heures du jour. Quand le réveil à sonné à 4h, il a déposé un baiser rapide sur mes lèvres et s’est échappé. Hier soir, je suis rentrée plus tôt du travail. J’ai emmené R. au parc, une petite heure. Puis nous sommes rentrées. Le voisin est passé avec sa fille boire un sirop de cassis, puis ils sont partis.

R. était énervée, elle refusait l’idée d’aller au bain. Sachant que je ne la lave pas tous les jours, je n’ai pas cédé. Elle a commencé à faire pipi dans sa culotte, alors que les toilettes sont à deux pas. Je lui ai couru après tandis qu’elle filait dans le salon. Mes doigts ont crocheté le coté de son petit cou, moitié-pinçant, moitié-griffant. Elle a crié, s’est pliée en deux et m’a suivie, tête basse, dans les toilettes, pour faire pipi. Quand j’ai regardé vers son cou, j’ai eu peur : deux grandes zébrures rouges, marbrées de petits points, au creux de la clavicule. J’avais fait ça moi ???

Plus tard, après quelques crises pour aller dans le bain, sortir du bain, se mettre en pyjama et venir manger, nous étions toutes les deux à table. On mangeait avec appétit une salade de crudité. J’avais mis de l’huile et du vinaigre. R. mangeait, comme à son habitude, moitié avec sa fourchette, moitié avec ses petits doigts. Avant de passer au fromage, je lui lance : tu attends je te nettoie les mains. Ni une ni deux, R. saute de la table, les mains luisantes d’huile, court vers sa chambre, moi sur les talons, et s’essuie….sur son tapis de chambre. J’ai crié Non ! Au dessus d’elle, et ma main est partie sans même que je m’en aperçoive. La fessée a claqué fort au dessus de sa couche, sur son flanc. Voilà. Je me serais retenue deux ans et demi. Et j’ai levé la main sur elle. Sans même m’en apercevoir. Bien sûr, elle a eu un comportement inacceptable et j’étais fatiguée et chamboulée par l’absence soudaine d’Y.

Mais je sais une chose.

J’ai levé la main sur ma petite fille. Deux fois.

Deux fois de trop.

 

 

mercredi, 19 juin 2013

Tout mal faire

J'écoute la pluie tomber sur les feuilles du jardin.

La fenêtre est grande ouverte et je bois à petites gorgées une infusion face à mon ordinateur. 

Il fait bon, et une odeur de terre mouillée envahit l'appartement.

J’ai l’impression de  tout mal faire.

Mes articles que je n’arrive pas à écrire : mal ficelés, mal construits, mal écrits. Je m'escrime et m'acharne.

Ma petite R. dont je ne m’occupe pas bien, pas assez, pas comme il faut, et je suis incapable de donner les bonnes indications au baby-sitter. Quand j’arrive à 23h30, R. ne dort pas, n’est pas en pyjama car je ne lui ai pas laissé et n’a pas pris son biberon car je n’avais pas pris le temps de lui dire comment le faire.Je me sens nulle, inconséquente, genre : "Elle s'occupe si mal de son enfant celle-là !"

Mes copines : pas le temps de suivre qui fait quoi, qui a des peines de cœur et qui va monter en grade, qui ne s’en sort pas financièrement et qui vient d’avoir un bébé.

Y., que je croise sans le voir, car il rentre quand je dors et que je pars quand il dort encore.

L’intendance de ce mois de juin : rupture de contrat avec l’assistante maternelle et sa ribambelles se courriers/chèques/attestations de Pôle emploi et embauche d’une garde à domicile pour le périscolaire en septembre.

Il faut faire passer des entretiens, se demander si oui ou non, on veut vraiment que cette gentille dame, mauricienne, s’occupe de R. à la rentrée.

Il y a eu aussi, bien entendu, la réunion de copropriété, avec son lot d’engueulades et de sous entendus. Mes voisins adorés ne pourront pas agrandir leur appartement comme prévu, à cause de quelques mauvais coucheurs pas d’accord avec leur projet. A mon grand désespoir, ils vont sans doute déménager, car ils dorment depuis deux ans et demi dans la même chambre que leur petite fille et ne peuvent pas envisager un deuxième enfant pour l’instant. Du coup, en réaction à tous ces cons, je me suis inscrite au conseil syndical.

Le soir, je suis fatiguée, trop fatiguée pour faire quoi que ce soit.

Le matin, je ne marche plus : il pleut, pleut et repleut quand je chausse les baskets et je pars en bus.

J’ai l’impression de tout mal faire et ce mois de juin stressant me mine un peu plus chaque jour.

Vivement juillet !

 

 

mardi, 21 mai 2013

L'anniversaire

Sur la petite casserole bleue, je fais réchauffer le thé à la menthe d’hier.

Il a plu quasi sans discontinuer tout le week-end. La terre est détrempée et les arbres dégoulinent. Je n’ai pas fait le tri des affaires d’hiver pour les remplacer par les affaires d’été, car nous mettons encore allègrement les chaussettes en laine et les pantalons en pilou.

Ce week-end, nous avons invités les voisins du dessus à manger, un gratin dauphinois et un rosbif saignant. Les filles ont couru partout, comme à leur habitude, ne s’arrêtant de gigoter que pour voler une bouchée par ci, une gorgée d’eau par là.

La semaine dernière, j’étais chez mes parents. Je suis descendue seule avec R. et Y. nous a rejoints plus tard. Je me suis sentie assez mal chez eux, comme d’habitude. R. faisait des crises plus aiguës que d’habitude et plusieurs fois, il a fallu contenir ses crises de rages.

 Je sentais monter la violence qui conduit aux coups, celle que j’ai reçu enfant.

 Je voyais aussi que mes parents étaient aussi exaspérés que moi, et cela me stressait encore plus. J’aurais eu besoin d’aide. Quand je vais chez eux, j’ai du mal à être moi. J’adopte un comportement de « fille » : j’aide au ménage, au jardin, je fais la psy pour ma mère et je veux désespérément, pathologiquement, qu’on s’occupe de moi. Mettez par-dessus une petite fille, une vraie, qui a elle-même ses besoins, des besoins d’enfant, d’écoute et de disponibilité, d’indépendance et d’autonomie du haut de ses deux ans et demi et c’est un cocktail explosif. Bref, j’étais encore mal, et vraiment soulagée quand j’ai pu enfin partir rejoindre mes beaux-parents.

Tout cela nous a amené à la fête d’anniversaire de mon père. Il fêtait ses soixante ans avec un ami à lui, avec qui il a grandi et avec qui il est toujours ami. La même bande de copains, dont les enfants sont maintenant adultes et commencent eux-mêmes à être parents. Ma sœur, quelques semaines auparavant, avait proposé qu’on lui écrive une chanson, pour lui dire notre amour et notre admiration, bref, une chanson ou un texte, quelque chose à lui donner ou à lui réciter, pour fêter en beauté cet anniversaire.

Je n’ai pas voulu.

Je n’avais pas envie. Je n’avais que de l’amertume en moi. Je lui en voulais de pleins de choses, de sa pudeur maladive, de ses absences, de sa brutalité quand j’étais enfant. Et cela n’a pas loupé. Quand le tour des chansons est arrivé, les enfants de l’ami de mon père ont chanté des chansons de leur composition, des textes qui ont fait pleurer tout le monde, sur leur père adoré.

Et nous trois, les trois filles, nous ne lui avons rien fait.

Bien sûr, sur le moment, j’ai réalisé l’énormité de la chose : lui s’était cassé la tête pendant plusieurs semaines pour recevoir ses invités, une cinquantaine de personnes, pour deux jours de fête, dans de bonnes conditions, nous avait mitonnés des petits plats déments, et nous - enfin moi, puisque c’est de moi qu’il s’agit - j’étais incapable en retour de lui offrir, quoi, rien, un petit texte, une chanson, quelque chose qui dit « merci ».

Depuis, cette histoire me poursuit. Je sais que je passe pour une ingrate, mais une partie de moi est toujours en colère. Je sais qu’un jour il va mourir. Il peut même disparaître brusquement, à tout moment, et je ne ressent pas ce besoin, cette urgence, d’éteindre le feu de ma colère contre lui, pour pouvoir l’aimer sans retenue et lui dire mon amour. Combien d’adultes vivent ainsi avec un ressentiment d’adolescent encore consumé ? Alors que chaque jour, je chante les louanges d’Y., trouvant toujours un moment pour lui murmurer des mots d’amour, pour mon père, je me trouve à sec. Seuls me reviennent ces moments où il n’appelle pas, où il n’est pas là, où il n’écoute pas, où ma vie ne l’intéresse pas. J’ai passé les 25 premières années de ma vie à quêter son regard, multipliant les risques et les situations extraordinaires pour espérer des miettes d’intérêt et depuis mon analyse, le mouvement s’est violemment inversé. Je n’attends rien de lui, noyant mes sentiments dans un cynisme encore plus dévastateur. Qu’il oublie mon anniversaire ou ne m’appelle pas six mois durant, me fait même ricaner tant je m’attend à la chose. Mais cette froideur me paraît aussi inquiétante que ma sensibilité précédente.

Dur dur ces rapports père-fille ! Je ne sais pas comment m’en sortir. Il faudrait renouer ce fil bien distendu, mais je ne sais pas comment faire. Peut être en faisant le premier pas, puisque lui, de toute sa vie, n’a pas vraiment réussi ? Je m’interroge.

lundi, 1 avril 2013

La première journée d'avril

Leeloolène vient de partir.

D’elle, ne reste que deux mugs de thé, une théière à moitié remplie, les jeux de constructions faits avec R. tandis qu’on essayaient de parler. J’avais redouté cette journée, que j’imaginais fatigante, celle où Y. allait partir, son sac sur le dos, pour un voyage d’une semaine et où je n’aurais le temps de rien. Au lieu de cela, surprise, ma copine L. et Leeloolène, l’amie de toujours, chez moi toutes les deux. Journées papotages, on mange des lentilles, on déguste la salade de fruit, on se refait du thé et du café, pendant que le soleil éclaire l’appartement.

Quelle belle journée d’avril !

Balade aux puces, R. ne veut plus marcher. Elle joue, crie, court, sur ses petites jambes courtes, et moi je réfléchis encore à ce que je mettrais comme chaises à la place de mes assises en paille qui font mal au derrière. Je suis heureuse parce que la bibliothèque plait à mes amies, comme elle nous plait à nous. Enfin, enfin, avoir nos livres à portée de main, pour de longues lectures sur le grand canapé….

Le soir, R., ma grande petite fille, me serre dans ses bras, pour de touchantes déclarations d’amour : « Ah t’ême maman, T’ême fortfort ». Moi aussi, moi aussi mon enfant je t’aime. Je le savais, mais je ne l’avais pas bien réalisé. Il m’a fallu être seule au milieu du désert, seule sur le sable, en pleine méditation, pour le comprendre.

Un soir, quand j’ai eu fait le vide en moi, son image s’est imposée, et j’ai été remplie d’un immense élan d’amour, presque douloureux tant la distance était grande entre nous, des milliers de kilomètres, des montages, une mer et plusieurs déserts, pour la première fois de ma vie.

J’ai senti sans pouvoir l’arrêter une émotion comme une lame de fond, me soulever. Les larmes roulaient sur mes joues et je pleurais de bonheur, de comprendre la force de ce lien unique qui nous unissait. Moi qui me plaint toujours de ne pas avoir de temps pour moi, d’avoir l’impression d’être comme une coquille vide à force de ne faire que travailler, rentrer en courant, donner le bain, faire à manger et m’écrouler devant un DVD, j’ai compris, seule et effrayée comme je l’étais, que l’amour qui me liait à elle était la chose la plus précieuse jamais ressentie. Bien sûr, je râle, je peste, je m’énerve, pour un verre cassé ou du caca badigeonné sur des draps que je viens de laver, mais cet amour, ce lien si pur, je ne peux pas le nier.

Ce soir, je dois penser à nos futures vacances. Je dois réserver des billets de train, je dois faire de l’administratif, je dois me coucher tôt.

Cette semaine, interdit de rigoler, je suis seule pour tout assumer !

 

 

 

dimanche, 31 mars 2013

La fatigue

Je ne comprends pas pourquoi je suis si fatiguée les week-ends.

Bien sûr, je m’agite beaucoup : il faut faire un brin de ménage, il faut faire des lessives, étendre les précédentes, plier le linge sec, il faut aller faire des courses, charrier ensuite des sacs et les ranger dans les placards et le frigo. Il faut faire des repas, puis laver la vaisselle, l’essuyer et la ranger. Il faut porter R. parfois, l’emmener vite sur le pot, l’essuyer, lui enlever sa culotte (souvent) et la mettre au sale. Lui courir après pour l’obliger à mettre une nouvelle culotte, alors qu’elle veut rester « Tüte nue ».

Pourtant, je me repose.

Allongée sur le grand canapé, j’attends que Y. me fasse mon café.

Je lis mes BD et mon livre, un essai magnifique de Nancy Huston, quelle femme !

Je fais une sieste, quasi tous les week-ends.

Le soir, on me propose de sortir. Je décline. Quasi invariablement. Vendredi et samedi soir, je suis une loque. Souvent, le dimanche est moins trépidant. Déjà parce qu’il n’y a que le marché à faire, que j’en profite pour cuisiner en écoutant François Régis Gaudry, que souvent, on fait une simple promenade, ou des amis passent boire le thé…

Je me demande pourquoi je suis si fatiguée. Je dors pourtant 8h par nuit depuis deux ans.

Anémie ? Manque de vitamines ?

Il faudrait peut être en faire plus, au contraire, me remettre au sport, moi qui me promet cela depuis deux ans et ne l’ai toujours pas fait ?

Je me demande….

 

 

vendredi, 21 décembre 2012

La floraison

Au travail, j’arrose les plantes et je bois un peu.

Il fait doux ce matin et j’ai ouvert grand les fenêtres de nos bureaux. Quel temps étrange, humide et gris comme un automne sans fin. J’attends l’hiver, le vrai, celui qui pique les yeux et rougit les joues, quand le ciel est d’un bleu pur et le soleil trop pâle.

On a envoyé à la rédaction, à mon intention, une petite hellébore qui n’a pas encore eu le temps de fleurir. Je l’ai posée à côté de mon ordinateur. Elle est trop verte et flétrie, comme un cœur sec. Qui s’occupera d’elle pendant mes quelques jours de vacances ?

La stagiaire A. qui, elle, ne part pas ? Peut-être. Je languis de ces jours de congés, les derniers étaient en août dernier et la fatigue m’assomme. Pourtant, je me sens fraîche et légère, droit dans mes bottes grâce au travail avec la psy.

Je vais partir sans craintes...si ce n’est de voir ma petite plante dépérir.

Qui sait, peut être,

une bonne surprise ?

Quand je reviendrais,

elle aura

peut-être

fleurit ?

 

 

vendredi, 7 décembre 2012

Pour moi

C’est sûr, je le sens, c’est certain, ça va mieux, je vais mieux.

Comme un barrage qui a lâché, je sens que les choses se débloquent.

Je me sens plus en accord avec moi-même. Je prends les choses avec légereté. Ce matin, en me brossant les dents, je me disais : quelle chance j’ai de faire ce travail !

Je suis partie travailler guillerette.

Le travail avec la psy permet de faire émerger pleins de choses, je suis heureuse. Tout revient avec : l’énergie, la libido, l’envie de bouger.

J’ai passé la semaine à peu dormir, à beaucoup me déplacer : en Alsace, en banlieue. Le soir, je suis sortie : voir des gens, mon association de journalistes d’environnement.

Malgré le froid, la pluie, la neige mouillée, je ne me suis pas dégonflée.

C’est sûr, je sens, c’est revenu, le plaisir et l’envie de travailler, non pas pour P. mais bien pour moi.

Du coup, quel pied !

 

vendredi, 30 novembre 2012

L'impression de se fendiller

Je ne pensais pas qu’il était possible d'être autant dans l'émotion pendant toute une journée. Ce matin, levée très tôt pour aller chez la nouvelle thérapeute que je vois depuis quelques semaines, j’arrive en retard à cause d’Y. et peste contre lui. Une fois là-bas, tout sort au détour d’une phrase. Je sens les larmes couler quand j’explique que j’ai l’impression de me fissurer de partout, comme si mes différents « personnages » tombaient les uns après les autres. La thérapeute me rassure comme elle peut, de sa voix douce, de quelques mots, choisis avec soin, mais rien à faire, je pleure, je pleure. Assise le plus droite possible dans son fauteuil, j’ai envie de me recroqueviller et de plonger le nez sous une couette.

Je me demande tout haut si je fais bien d’être là, si je sers vraiment à quelque chose alors que je me sens exploser. Est-ce que je peux faire du mal à quelqu’un si mes différents personnages disparaissent ? Est-ce qu’on peut avoir 31 ans et avoir l’impression d’être un nourrisson ou un enfant de 4 ans, qui tire désespérément sur la jupe de sa mère, prêt à tout pour être remarquée ?

Je fais le deuil de pleins de choses en ce moment. A travers cette épreuve, je sais bien que je grandis et surtout j’essaye de ne pas regarder en arrière.

Mais comme c’est difficile de ne pas le faire !

Comme un alpiniste en plein ascension, je sens que mon matériel tombe : mon sac à dos, mes cordes, et divers paquets que je transportais. J’essaye de me concentrer sur le sommet, que je n’aperçois pas, perdu dans les brumes d’un avenir que je n’arrive pas à deviner, et ce que je laisse chuter m’inquiète. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter. Alors que je devrais me sentir plus légère, au contraire, j’ai peur… peur… peur.

IPour moi, il me semble qu'il est plus facile de s’inventer une vie que de la vivre ! Il est tellement plus simple de vivre à travers le désir des autres, à travers le regard, que de vivre sa propre vie ! Pourtant, je déploie une énergie folle, démesurée si on y pense, à faire semblant, H24, au lieu d’être vraiment à ce que je fais.

D’où mon impression de liquéfaction, de disparition, de fendillement, comme si j’étais une outre gonflée d’eau prête à exploser.

La matinée s’est passée bizarrement, j’ai retenu mes larmes plusieurs fois, dont une fois en réunion avec P. Il ne me regardait même pas, parlait durement à quelqu’un d’autre, et j’étais soulagée, pour une fois, de ne pas être sous le feu de ses critiques. Mais j’ai bien failli pleurer juste après, en lui exposant un projet. J’ai dû arrêter de parler… en plein milieu d’une phrase ! Heureusement, il n’a rien remarqué.  

L’après midi, je me suis rendue sur ce Salon, comme chaque année.

Pour la première fois, je l’ai parcouru en étant sereine. J’étais à l’affût des nouveautés, j’ai pu feuilleter, découvrir des histoires et des auteurs passionnant. Je me suis esclaffée plusieurs fois. J’ai eu plusieurs coups de cœur, et j’ai ramené des ouvrages que j’avais déjà aimés.

Lui, lui, lui et lui !  

Au stand de Casterman, j’ai retrouvé le livre de la naissance de Célestine, lu l’année dernière. Je voulais l’acheter, mais je n’ai pas pu. A la lecture de quelques pages, j’ai senti les larmes brûlantes affleurer à mes cils. Même pas cap’ !

Quelle drôle de période que cette période ! Je me sens si petite, si fragile… et je m’étonne de ma propre fragilité….

Ce soir, j’ai décommandé le baby-sitter. J’avais prévu de sortir, retrouver mes amis dans un nouveau lieu, où nous devions danser. Mais je n’ai pas la force de bouger. Dans mon pyjama lâche et ma doudoune de laine, j’ai déjà du mal à tenir les yeux ouverts….

Mais le week-end est là, déjà, bienveillant, merveilleux week-end.

Mes parents viennent ce dimanche, pour quelques jours, garder R. pendant que nous serons touts les deux en reportage avec Y. mais chacun à un bout de la France.

 Demain, demain nous ferons le sapin.

J’ai hâte de voir la tête de R. quand son père le ramènera ! Nous n’avons aucune décoration à mettre dessus, mais je compte bien en trouver demain.

 D'ici là, je contemple mes trésors ramenés du Salon.

 

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mardi, 20 novembre 2012

Une petite flamme

Quelque chose a changé.

C’est un frémissement, quelque chose d’intime et de discret. Mais je sens en moi cette tout petite flamme, fragile et puissante à la fois, qui commence à pointer son nez.

Hier, par la Poste, est arrivé mon cadeau de Noël par avance. Son livre à elle, sur les artisans de Brooklyn. Je l’ai ouvert comme un trésor, caressant les pages, essayant de déchiffrer dans mon mauvais anglais les textes.

Quelque chose a changé et je le perçois. Cette présence ténue m’aide à éclairer cette grande nuit où je me suis perdue.  

jeudi, 15 novembre 2012

Vraiment là

Enfin chez moi, je savoure le calme. France Inter en fond sonore, ils parlent dans le poste, mais je préfère quand ils sont en grève, car leurs playlist est tout bonnement géniale.

J’aimerais bien acheter, un jour, un petit aquarium, avec ces jolis petits poissons bleus, les guppies, comme chez mon amie Leeloolène. Je ne sais pas si les poissons, comme notre chat, sont capables de rester plusieurs jours sans nous. Peut-être avec un distributeur automatique de daphnies ?

J’ai envie de faire pleins de choses ce week-end, mais je sais que si je suis seule, ce sera difficile. Y. part pour le week-end, et je veux lui faire une surprise à son retour, d’un appartement sur lequel j’aurais avancé. Je rêve…. Il faudrait que je range, que je trie, que j’installe, que je cloue, que je visse… Je sais que ces petites choses sont à ma portée, même si R. est là et veut elle aussi attraper le cutter, le marteau, et mettre des clous dans des chevilles.

En ce moment, je lis la délicieuse Françoise Hardy, qui dans son livre : « Le désespoir des singes » distille ça et là des informations essentielles sur la vie, sur sa vie. J’ai aussi lu, ou plutôt savouré le livre « La dernière conquête du major Pettigrew », si anglais, si suranné, un délice !

Je crois que ma sœur viendra quelques jours la semaine prochaine, j’ai hâte.

Sa présence souvent illumine ma vie, comme le fait certaines de mes amies. Et dire qu’enfant je ne la supportais pas !

Quand je suis chez moi, je me sens toujours plus "présente" aux choses, que lorsque je suis prise dans le tourbillon de la journée. Même si la fatigue est là, bien présente elle aussi, et qu'elle m'entraine à aller sur facebook, mes mails, et regarder des trucs nuls sur le net, jj'arrive, parfois, à me sortir de cette gangue pour être vraiment là...

 

mercredi, 14 novembre 2012

De la beauté

Parce que j’étais triste, Y. m’a offert, sans autre raisons, un beau bouquet de roses rouges. Le soir, quand je suis rentrée, il était passé à la Biocoop et m’avait préparé un dîner.

Le soir, quand je peux, je fais de la méditation. J’aime bien ce moment, suspendu, hors du temps, quand j’ai couché ma fille, et que je me concentre enfin, calmement, sur l’air qui sort et entre, et uniquement sur cela.

Ce matin, j’ai eu, comme tous les matins, du mal à me tirer de la couette. Il y avait l’odeur exquise du cou d’Y., l’air plus frais au dehors et la chaleur de nos deux corps. Je regardais l’heure qui tournait : 7h, puis 7h30, puis presque 8h…. Il fallait bien y aller.

De plus en plus, je pense que ce que je vis au travail n’est pas du harcèlement.

C’est une situation complexe, où effectivement, je ne suis plus la chouchou, et que je vis très mal, du fait de mon histoire personnelle, mais ce n’est pas du harcèlement. On est parfois à la limite, avec des moments très durs, mais cela n’en est pas. En revanche, il devient de plus en plus évident que je vais devoir partir. Je commence à me faire à cette idée.

Ce matin, quand j’ai marché pour venir au travail, les arbres étaient si beaux dans la lumière, touts revêtus d’or, de rouge et d’orangé, je me suis dit qu’il ne fallait pas être triste, face à tant de beauté.

mercredi, 7 novembre 2012

C'est malin

Je tombe sur cet article et je réalise qu’il me parle.

Je suis incapable de faire un calcul simple, en tout cas, de me concentrer un minimum de temps pour résoudre une opération. J’ai l’impression que mon cerveau s’affole. Si cela dure trop longtemps, un rideau noir peut se tirer de haut en bas et je suis incapable de me souvenir du calcul que j’essayais de résoudre.

Je sais dater précisément le début de cette « phobie ».

J’étais en CP, et j’abordais pour la première fois les mathématiques. Ma mère était très stressée et n’arrivais pas à me faire comprendre la logique d’un calcul. Elle me dit d’attendre mon père, qui devrait m’expliquer. A son retour du travail, après le repas, nous nous sommes attablés mon père et moi, pour qu’il m’explique l’exercice.

Très vite, il s’est énervé.

Je ne comprenais pas. C'était difficile à vivre pour lui.

Plus il se mettait en colère, moins je parvenais à donner la bonne réponse. Il me mit le deal en main : à chaque mauvaise réponse, je prendrais une gifle.

Ce qu’il fit.

Je n’arrivais plus à articuler tant je pleurais et je crois que ma mère est enfin intervenue. 

Mais aujourd'hui, aujourd'hui....

Aujourd’hui, je ne sais toujours pas faire un calcul simple, c’est malin.

Et j’éprouve, véritablement, une phobie à l’idée de calculer quoi que ce soit sans aide.

jeudi, 1 novembre 2012

Il va falloir!

La journée a passé sans houle.

Quelques petites montées anxieuses par-ci par là.

Mais j’étais bien, avec R.. Nous sommes allées au 104, à la maison des petits. Mon ami R. son parrain est venu aussi.

Il m’a parlé de l’éventualité de changer de travail.

Il le faut bien sûr.

J’en suis de plus en plus persuadée.

Mais j’ai du mal à me prendre en main, ça me parait difficile de quitter un travail que j’aime et des conditions (malgré la situation !) de rêve.

Mais il va falloir !

mercredi, 31 octobre 2012

Attention.... billet "mal-être/ je vais mal/ au secours", âme sensibles s'abstenir de la lecture qui suit!

Moi, ça va pas fort.

Et vous ?

Je crois que je n’avais pas ressenti ça depuis ma dépression. Une impression d’effondrement interne, comme si j’étais aspirée de l’intérieur, comme si un siphon se déclenchait en moi et que je m’écroulais silencieusement. Je sais plus ou moins que cela un lien avec ma personnalité, et avec ce qui se passe au travail, mais ce n’est pas la situation avec P. qui me rend triste, plutôt une impression intérieure que je ne sais plus où j’en suis. Que je ne sais plus qui je suis.

De l’extérieur, j’ai encore renforcé l’impression de droiture, de mainmise. Tailleur strict, maquillage ombré, talons hauts.

Mais toute la journée, j’étais au bord du gouffre.

A un pas de l’abîme.

Pourtant, il n’y a rien à signaler.

P. me nargue, appuyant par petites touches là où ça fait mal, puis faisant comme si on était d’un coup très amis et très proches dès qu’il y a du monde autour. Puis m’assassinant au détour d’une petite phrase.

A l’extérieur, je donne le change.

A l’intérieur, j’ai envie de crier.

Ce soir, je n’arrivais pas à me défaire de cette impression désagréable. Dans le métro, chez la nounou, il a fallu plusieurs fois que je m’arrête pour faire redémarrer mon cerveau.

Je vais y arriver, je vais arriver.

Je sais que je peux aller jusqu’à cette station de métro, je sais que je peux atteindre la cité de la nounou. A mon arrivée, une dame ne me tient pas la porte et ne répond pas à mon bonsoir. Je deviens soupçonneuse d’un coup : elle aussi, elle serait au courant ? Au courant que Marloute est mauvaise, une faible, une pauvre chose, incapable de s’imposer, une « looseuse », incapable de prendre sa vie en main. Dans l’ascenseur, j’essaye de me raisonner : cette dame ne peut rien savoir de moi, c’est de la paranoïa pure et simple.

Une fois que j’ai récupéré la petite, je ne me calme pas.

J’arrive à l’appartement, mais apprend qu’Y n’arrivera pas d’ici une heure et demie.

Je panique, l’appelle. Lui raconte, en vrac, les visions, le mal-être, l’impression que tout le monde sait quelque chose. Je lui dit qu’il faut qu’il rentre, et il me répond, comme à son habitude, qu’il ne peut pas rentrer plus tôt.

Je sais que je suis à deux doigts de craquer. Mais je ne craque pas. R. a senti ma tension, elle se braque comme jamais. C’est une petite fille hurlante que je déshabille, une sirène à qui je change la couche, et une furie qui envoie valdinguer sa nourriture, avant de finir en larmes et morveuses dans mes bras. Je suis fière de moi, car j’ai gardé mon calme. Je n’ai pas eu de gestes nerveux envers elle, alors qu’à l’intérieur de moi, à l’intérieur de moi…. J’aurais pu l’étriper, juste pour me défouler. Mais elle n’y est pour rien, cette petite fille de deux ans, qui fait sa crise des deux ans, que sa maman est au bord du gouffre.

Un moment, j’ai pensé chercher le numéro d’SOS médecin, SOS psy, bref, quelqu’un pour venir ici, m’écarter de R., car j’avais peur de craquer et de lui faire du mal. J’imaginais le scénario catastrophe : Y. rentre du travail et trouve son enfant démembrée, et moi perdue, qui lui dit « Oh là là, je ne sais pas ce qui m’a pris, vraiment… ».

Heureusement, tout s’enchaîne. Je couche ma fille enfin calmée et câline dans son petit lit, et Y. finit par arriver.

Mais franchement, c’est pas normal d’en arriver là non ?

Y’a un truc qui tourne pas rond au pays de Marloute.

Je me demande si je peux me faire hospitaliser sans raison valable, juste parce que j’ai l’impression de devenir folle.

Peut-être que du coup, la pression redescendra ?

Je ne sais pas.

J'ai envie de pleurer, et n'y arrive pas vraiment.

dimanche, 28 octobre 2012

Perdue.

En ce moment, je me sens perdue, ne sais plus qui je suis, ce que je veux, comment avancer, mais j’ai l’impression quand même d’être sur la bonne voie. Celle où l’on retrousse ses manches, ou l’on cherche des solutions, où l’on avance.

C’est vrai que certains jours, je me sens si petite, si vide, si triste…

Je crois que le fait de remuer une nouvelle fois mon passé, avec cette nouvelle thérapeute que j’ai rencontrée, et à qui je suis obligée, bien entendu, de raconter ma vie, me bouleverse forcément.

Mais tout ceci est bon je le sais, je le sens.

Une nouvelle Marloute renaîtra sans doute de cette épreuve, plus forte, plus heureuse encore, du moins je l’espère.

Il y a tout ce que j’aimerai comprendre, il y a ces vies que je voudrais vivre, il y a ma vie, il y a la VIE, qui me pousse et me tiraille.

Il y a ce petit poussin qui se réveille, cheveux emmêlés et petit corps tout chaud, qui est la vie même, avec ces colères et ses brusques fous-rires et j'enfouis mon nez dan son pyjama avec l'envie de me fondre dedans à tout jamais.

Il y a ces lumières magnifiques de l'automne qui colorent chaque feuille de jaune, de sang.

Il y a le parfum d'un plat qui mijote dans la cuisinière. Il y a cet hiver qui commence et que je ne redoute pas, car chez nous il fait bien chaud.

Je me sens perdue, mais il y a toutes ces choses que j’arrive à faire, et parfois je me surprends moi-même.

Il y a ces week-ends trop courts, mais si bons.

Il faut parfois se perdre pour mieux se retrouver, j'espère.

 

dimanche, 21 octobre 2012

Regarder ailleurs

 

 

Je mange : des gratins dauphinois,des andouillettes, des coquilles Saint-Jacques, des cailles grillées, des chanterelles au beurre et à l'ail, du pâté de foie, je bois du vin

blanc, et je ris avec mes amis, je sors, je vais au cinéma, voir des concerts, boire des bières, je lis beaucoup de romans que je prends à la bibliothèque, même s’ils ne sont pas très bien écrits, ce n’est pas grave, cela satisfait ma boulimie de lecture. Je regarde des films avec Y. ou seule, souvent des documentaires, ou une comédie quand vraiment on ne veut pas savoir comment va le monde.

 

C’est bizarre…

cette manière que j’ai de détourner les yeux alors que je sais que cela

va mal, que le monde va mal, et que je devrais m’engager pour faire en sorte que les choses aillent mieux.

 

Je me dis que je devrais faire quelque chose, et ma flemme ou ma peur me rattrapent : c’est trop difficile, la tâche est trop grande. Cela me fait penser à la parabole de Saint Augustin dont ma grand-mère m'a parlé cette semaine au téléphone. Il voit un enfant qui veut vider la mer avec une coquille. La raison ne peut pas englober le mystère insondable de Dieu. Il est inutile de chercher un sens à ce qui est trop grand pour nous.

 

Mais moi, j’ai plutôt le sentiment de jouer à cache-cache. Je sais quelque chose et je me dérobe à mes responsabilités.

 

«Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera».

 

Je crois que c’est une parole de l’Evangile juste avant le déluge. Je crois que cela me touche, parce que j’ai l’impression que ma vie manque de sens, je ne vis que pour les biens matériels, et je donne peu, et je garde le maximum pour moi, et je sens bien qu’il n’est pas bon de vivre ainsi.

 

 

Il faudrait se perdre, faire confiance, donner enfin.

 

Mais j’ai du mal. C'est difficile de renoncer à la jouissance. Surtout cette jouissance sans but, comme une drogue, si douce quand on y pense.

 

Un jour, un jour peut-être. 

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